Stratégies d’aide à l’arrêt du tabac
Un rôle important pour les médecins généralistes

Stratégies d’aide à l’arrêt du tabac

Fortbildung
Ausgabe
2020/0708
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-d.2020.10237
Prim Hosp Care Allg Inn Med. 2020;20(0708):241-246

Affiliations
a Département des Policliniques; Centre universitaire de médecine générale et santé publique, Unisanté – Lausanne; b Département Promotion de la Santé et Préventions; Centre universitaire de médecine générale et santé publique, Unisanté – Lausanne; c Département de Formation, Recherche et Innovation; Centre universitaire de médecine générale et santé publique, Unisanté – Lausanne

Publiziert am 29.07.2020

Le tabagisme entraîne une dépendance physique et psychologique importante nécessitant un accompagnement et une prise en charge spécifiques. Les fumeuses et fumeurs ont souvent besoin d’aide pour quitter le tabac. Le rôle des médecins généralistes est important non seulement en raison de leur accessibilité mais également de l’efficacité de leurs interventions.

Le problème

La fumée du tabac contient plus de 7000 substances, avec des effets cancérigènes, irritants et toxiques directs. Elle favorise non seulement les cancers, les maladies respiratoires, cardio-vasculaires et métaboliques, mais aussi les phénomènes thrombotiques et de nombreuses autres pathologies (fig. 1) [1]. La nicotine est la principale responsable de la dépendance physique contribuant aussi à la dépendance psychologique et comportementale. Les sensations agréables ressenties maintiennent le tabagisme par renforcement positif et les sensations désagréables du sevrage le soutiennent par renforcement négatif [2].
Figure 1: Affections organiques liées au tabagisme. En rouge les nouvelles pathologies liées au tabagisme dans le rapport du Surgeons General de 2014 [1].

Le tabagisme en suisse

Selon l’Office Fédéral des Statistiques en 2017, 27% de la population de plus de 15 ans était fumeuse en Suisse, soit 31% des hommes et 23% des femmes [3, 4]. Ce sont parmi les 20–34 ans que l’on trouve la majorité des fumeurs et fumeuses. Bien que le tabagisme soit en recul, il cause environ 9500 décès par an, soit 26 personnes par jour, 15% de tous les décès et environ six fois plus que la somme des décès dus à un accident de la circulation, à la consommation de drogues illégales, au sida et à un suicide [5–7].

A quel prix?

Les personnes atteintes de maladies liées à leur tabagisme voient leur qualité de vie diminuer; elles recourent aux prestations médicales dans une mesure supérieure à la moyenne, ce qui augmente les coûts à la charge des assurances sociales. Les coûts liés au tabagisme ont été estimés à 10 milliards de francs par ­année (d’après des données de 1995), dont la moitié est imputée aux coûts directs (traitements médicaux) et indirects (perte de productivité) et l’autre moitié aux coûts humains (perte de la qualité de vie) [3, 8]. Selon une récente étude suisse, effectuée par l’institut d’économie de la santé de Winterthur de la ZHAW (Université des sciences appliquées de Zurich), le tabagisme est responsable de 4% des coûts de la santé en Suisse, soit au total 5 milliards de francs suisses, dont 3 milliards attribués aux coûts médicaux et 2 milliards à la perte de productivité [9].
Tableau 1: Bénéfices à court et à long terme pour la santé lors de l’arrêt du tabac.
Bénéfices à court terme de l’arrêt du tabacBénéfices à long termes de l’arrêt du tabac
Après 20 min. d’arrêt le rythme cardiaque et la pression ­sanguine diminuent [23].Un an après avoir cessé de fumer le risque de maladie ­coronarienne est réduit de 50% par rapport aux personnes qui continuent de ­fumer [24, 25].
Dans les 12 heures le niveau du CO sanguin se normalise [26]. 2 à 5 ans après avoir cessé de fumer le risque d’AVC est le même que celui d’une personne non-fumeuse [27]
Entre 2 et 12 semaines d’arrêt on observe une amélioration de la circulation et des fonctions respiratoires [28].Après 4 à 5 ans de sevrage la mortalité diminue de 50% par rapport aux personnes fumeuses [29].
Après 6 semaines de sevrage, résolution à plus de 90% des lésions leucoplasiques buccales [30].Après 10 ans d’arrêt le risque de cancer du poumon est réduit de 50% [11, 31].
Dans les 9 mois après l’arrêt du tabac,
réduction de la toux et de l’essoufflement [32].
Au bout de 11–12 ans l’espérance de vie est équivalente à celle d’une personne non-fumeuse [10].

Arrêter absolument

Plusieurs études épidémiologiques montrent une ­augmentation significative de la morbi-mortalité liée au tabagisme. Les personnes fumeuses meurent en moyenne 11–12 ans plus tôt que les non-fumeuses [10, 11]. Les principales causes de mortalité sont les cancers (du poumon, de l’œsophage, du larynx, du pharynx et de la cavité buccale), les affections respiratoires (BPCO, infections respiratoires aiguës), les affections cardio-vasculaires (maladie coronarienne, accident vasculaire cérébral, anévrisme de l’aorte abdominale) (fig. 2) [3, 6]. Le tabac influence aussi la qualité de vie en causant une mauvaise haleine, une altération du gout et de l’odorat, une baisse de l’endurance à l’effort, la coloration jaune des dents et l’augmentation des pathologies gingivo-dentaires, le vieillissement précoce de la peau et la diminution des performances sexuelles.
Figure 2: Décès dus au tabac en Suisse. Réimpression avec l’aimable autorisation de l’OFS.
Plusieurs études observationnelles ont démontré qu’arrêter de fumer réduit significativement la mortalité et le risque de maladies liées au tabac, et ceci quel que soit l’âge de l’arrêt [10, 12]. Les avantages pour la santé se manifestent déjà 20 minutes après la dernière cigarette avec une normalisation du pouls et jusqu’à plus de 10 ans après l’arrêt pour rejoindre l’espérance de vie d’une personne non-fumeuse (tab. 1).
L’augmentation de l’espérance de vie de l’ex-fumeur-euse est inversement proportionnelle à l’âge d’arrêt. D’où l’adage «le plus tôt c’est le mieux mais mieux vaut tard que jamais» [10]. La diminution du nombre de cigarettes consommées ou fumer des cigarettes dites ­légères n’a pas de bénéfice clairement établi sur la morbi-mortalité [13]. Les études publiées démontrent que la réduction du tabagisme, est une alternative acceptable, seulement si elle s’inscrit dans un objectif clair d’arrêt complet et soutenue par un traitement pharmacologique [14].

Quel rôle pour les médecins de premier recours?

La majorité des personnes fumeuses souhaitent cesser de fumer et sont favorables à une intervention par leur médecin, qui contribue souvent à leur décision et à la mise en place de stratégies personnalisées. Ce partenariat entre le médecin et son/sa patient-e constitue une approche privilégiée et appréciée par ce-tte dernier-ère) [15]. Le taux d’arrêt spontané est estimé entre 2–3% par an selon plusieurs études [16, 17]. Selon une analyse de 42 études, le conseil médical en consultation de routine augmente significativement le taux d’arrêt à 6 à 12 mois de suivi, avec une efficacité marginale de 1 à 3% (RR 1,76, IC95% 1,58–1,96) [16]. Les médecins généralistes ont un contact régulier et personnalisé avec de nombreux-euses fumeur-euse-s puisque 71% des Suisses, dont environ un quart fumeur-euse-s, les consultent chaque année [3, 18]. Leur rôle consiste à augmenter le nombre d’expériences d’arrêt du tabac en encourageant leurs patient-e-s fumeur-euse-s à essayer de cesser de fumer et/ou à persévérer dans leurs efforts.

Prise en charge lors de l’arrêt du tabac

La prise en charge lors de l’arrêt du tabac fait appel aux mêmes principes de traitement que les autres addictions: motivation, substitution, accompagnement, traitement des dysthymies, analyse des situations à risque, prévention des rechutes. Toute addiction est une maladie chronique qui implique une prise en charge et une attention prolongée, comme dans le cas d’une hypertension artérielle ou d’un diabète, avec cette difficulté supplémentaire liée à l’existence d’une dépendance. L’aide à l’arrêt du tabac comporte des phases successives évoluant parfois sur plusieurs décennies [17, 19].

LES 5 A

Ce modèle propose une intervention par étapes comprenant les conseils et les traitements médicamenteux. Chaque étape comprend une description des stratégies recommandées, donnant ainsi un outil concret, utilisable en pratique clinique.

1. Identifier le statut tabagique: To Ask

Demander à chaque patient-e s’il-elle est fumeur-euse et le noter dans le dossier. Pour les ancien-s-es fumeurs-euses noter la date de l’arrêt.
La systématisation de l’identification du statut tabagique augmente de façon importante le taux d’intervention des médecins en vue de l’arrêt du tabac chez leurs patient-e-s fumeur-euse-s [17, 20].
L’insertion du statut tabagique dans les modèles d’anamnèses systématiques, l’utilisation d’outils mnémotechniques écrits ou informatisés, sont essentiels pour le dépistage, l’évaluation et l’intervention en matière de tabagisme.
Noter le statut tabagique dans le dossier facilitera l’abord du sujet lors d’un contact ultérieur: «Lors de la dernière consultation, vous m’aviez dit que vous fumiez 20 cigarettes par jour». C’est aussi un indicateur de qualité simple permettant d’évaluer sa pratique en matière de prise en charge du tabac.

2. Evaluer la motivation à l’arrêt et la ­dépendance à la nicotine: To Asses

Après l’identification du-de la fumeur-euse, une évaluation de la dépendance et de la motivation à l’arrêt est proposée en demandant l’accord du-de la patient-e. Les données intéressantes à collecter sur le tabagisme sont: le nombre de cigarettes fumées par jour, l’âge du début du tabagisme régulier, les tentatives d’arrêt antérieures avec les motifs de rechute, les motivations et obstacles à l’arrêt et le degré de dépendance.
Les médecins généralistes prennent ainsi connaissance:
– De la motivation du-de la patient-e à arrêter de fumer ou à diminuer sa consommation. «Envisagez-vous d’arrêter de fumer?».
– Du niveau de motivation du-de la patient-e selon sa réponse «Quand voulez-vous arrêter de fumer?»
– De la dépendance nicotinique du-de la patient-e (par le test de dépendance nicotinique (tab. 2) (remplace l’ancien test de Fagerström plus long).
Tableau 2: Test de la dépendance nicotinique.
Dépendancefaiblemoyennefortetrès forte
Nombre de ­cigarettes /jour1–910–1920–30>30
Délai entre le réveil et la 1re ­cigarette du matin>60 min30–60 min5–29 min<5 min
Symptômes ­sevrage
absents ou mineursmodérésfortstrès forts
N.B.: le critère le plus élevé détermine le degré de dépendance.

3. Le conseil d’arrêter le tabac: To Advise

Il s’agit de messages brefs incitant à l’arrêt du tabac. Le conseil doit être clair, ferme et personnalisé avec une attitude empathique et non confrontante. Le conseil d’arrêt du tabac doit cibler tous les patient-e-s fumeur-euse-s, quelles que soient leurs motivations.
Le-la médecin généraliste se retrouvera souvent face à 3 types de fumeur-euse-s.
– Le-la fumeur-euse satisfait-e; qui ne souhaite pas encore cesser de fumer. En 2–3 minutes, le-la généraliste fournira de l’information personnalisée et la possibilité d’une aide de sa part le moment venu. L’objectif à ce stade est de susciter le doute chez le-la fumeur-euse, et de l’amener à considérer autrement son comportement tabagique. Une intervention brève (<20 minutes) montre un rapport coût/efficacité très intéressant et augmente le taux d’arrêt avec une efficacité marginale d’environ 2% [16, 17, 19].
– Le-la fumeur-euse ambivalent-e; qui aimerait arrêter de fumer dans quelques mois, mais qui ne se sent pas prêt-e immédiatement. L’entretien motivationnel est la technique de choix [18, 20]. C’est un entretien d’une durée de 5 à 10 minutes, empathique, d’écoute, d’encouragement au cours duquel le-la médecin vise à augmenter la confiance du patient dans sa capacité au changement. Il augmente le taux d’arrêt avec une efficacité marginale de 2 à 5%. Le-la généraliste pourra informer le patient sur les dangers du tabac, mais surtout évoquer les bénéfices de l’arrêt selon le profil du-de la patient-e. Pour renforcer la motivation du-de la patient-e, le-la médecin doit offrir au patient de l’aide à l’arrêt du tabac en présentant les options thérapeutiques, les méthodes efficaces d’aide à l’arrêt du tabac, les différents traitements médicamenteux (tab. 3), l’option de réduction de la consommation avec un arrêt dans un deuxième temps, les bénéfices et inconvénients du vapotage (encadré 1).
Tableau 3: Récapitulatif des traitements pharmacologiques d’aide à l’arrêt du tabac recommandés en première ligne.
Médicaments, dosage, utilisation, posologie
Remboursement par l’assurance et conditions de remboursement
Contre-indications/précautionsEffets secondaires
Patch transdermique
Nicorette® patch/16h (25 mg/15 mg/10 mg)
Nicotinell® patch /24h (21 mg/14 mg/7 mg)
Appliquer sur la peau, changer de place chaque jour
Patch/16h: 25 mg × 8 sem puis 15 mg × 2 sem puis 10 mg × 2 sem (max 12 mois)
Patch/24h: 21 mg × 4 sem puis 14 mg × 2–4 sem puis 7 mg ×2–4 sem (max 12 mois)
Pas de contre-indications sauf en cas d’hypersensibilité à la nicotine ou à l’un des excipients
Précautions:
Insuffisance rénale sévère
Grossesse/allaitement
Infarctus du myocarde récent (<2 ­semaines)
Angor instable non traité, arythmie ou ­accident cérébro-vasculaire récents, hypertension artérielle sévère
Pour la gomme: problèmes dentaires, syndrome de Costen.
Pour le patch: certaines maladies ­cutanées ou allergies.
Réaction cutanée (patch)
Irritation de la bouche et de la gorge, ­dyspepsie, nausées, toux
Gomme à mâcher (Nicotinell®/Nicorette® 2 mg/4 mg)
Mâcher très lentement 10 à 15 secondes puis plaquer contre la gencive en alternance ­durant 30 min.
8 à 12 ×/j (si bithérapie max 6×/j) à réduire progressivement pendant 2 à 3 mois (max 12 mois)
Comprimés à sucer Nicotinell® 1 mg/2 mg
Laisser fondre dans la bouche sans croquer ni avaler
8 à 12 cpr /j (si bithérapie max 6 cpr/j) à réduire progressivement pendant 2 à 3 mois (max 12 mois)
Comprimés sublinguaux Nicorette® microtab 2 mg
Laisser fondre sous la langue
8 à 12 cpr /j (si bithérapie max 6 cpr/j) à réduire progressivement pendant 2 à 3 mois (max 12 mois)
Inhalateur (Nicorette® inhaler 10 mg)
Inhalations brèves répétitives pendant 20 à 30 min
6 à 12 cartouches/j (si bithérapie max 4 cartouches /j) à réduire progressivement ­pendant 2 à 3 mois (max 12 mois)
Spray buccal (Nicorette® spray sol)
Pulvérisation de la solution dans la bouche en retenant la respiration et en bloquant la ­déglutition quelques secondes
1 à 2 pulvérisation toute les 30 à 60 min (max 64/j) à réduire progressivement pendant ­
2 à 3 mois (max 12 mois)
Varénicline (Champix® 0,5 mg/1 mg)
1 × 0,5 mg/j. de J1 à J3 puis 2 × 0,5 mg/j. de J4 à J7 puis 2 × 1 mg/j. × 11 sem. ­Pendant 2–3 mois (max 6 mois) ­Programmer l’arrêt du tabac dès le 8e jour
Remboursé sous les conditions suivantes:
– 1x tous les 18 mois pour les adultes dès 18 ans pour un traitement de 12 ­semaines.
– Présence d’une dépendance selon DSM-IV ou CIM-10 et
– Présence d’une pathologie induite par le tabagisme et/ou Fagerström ≥6
Insuffisance rénale sévère, grossesse/allaitement, jeunes <18 ans
Précaution si troubles psychiatriques, tendance suicidaire
Nausées, troubles du sommeil, rêves anormaux, ­céphalées
Bupropion (Zyban® cpr retard 150 mg)
1× 150 mg/j. de J1 à J6 puis 2 × 150 mg/j. × 7–11 sem. ­Pendant 2–3 mois (max 6 mois) ­Programmer l’arrêt entre J8 et J14.
Remboursé sous les conditions suivantes:
– 1x tous les 18 mois pour les adultes dès 18 ans pour un traitement de 7 ­semaines.
– Présence d’une dépendance selon DSM-IV ou CIM-10 et
– Présence d’une pathologie induite par le tabagisme et/ou Fagerström ≥6
Epilepsie, tumeur cérébrale, anorexie/ boulimie, troubles bipolaires, sevrage d’alcool ou de benzodiazépines, cirrhose hépatique, prise d’inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), grossesse, allaitement, jeunes <18 ans.
Précautions: Traitements ou situations abaissant le seuil épileptogène: dépendance alcool, antidépresseurs, neuroleptiques, tramadol, antipaludéens, quinolones, corticostéroïdes systémiques, anorexigènes, hypoglycémiants ou insuline, antécédent de traumatisme crânien
Crise épileptique
Troubles du sommeil, bouche sèche, sensation vertigineuse, réaction anxieuse
– Le-La patient-e-s fumeur-euse prêt-e à arrêter de fumer; pour le patient disposé à faire une tentative d’arrêt, le-la médecin généraliste présente les différentes options de prise en charge (tab. 3) et planifie avec son/sa patient(e) un programme pour faciliter l’arrêt du tabac [17, 18].

Encadré 1

Le vapotage

La cigarette électronique ou vaporette est un dispositif existant depuis une quinzaine d’année dont le mécanisme permet la génération d’un aérosol par chauffage d’un liquide contenant de la nicotine. La quantité de substances nocives générées dans l’aérosol est faible ce qui donne à son utilisation l’avantage de réduire les risques liés à l’exposition aux substances nocives du tabac fumé. Suite aux pathologies respiratoires observées en 2019 chez des vapoteurs aux USA, il est recommandé de ne pas acheter des produits dont la provenance n’est pas connue, d’utiliser des e-liquides correspondant aux normes européennes, de ne pas modifier les e-liquides et de ne pas leur rajouter des substances, tout particulièrement des liquides ou huiles avec THC ou CBD ­susceptibles de provoquer des pneumopathies. Ces pneumopathies sont fortement associées à la présence d’acétate de vitamine E dans les liquides contenant des dérivés du cannabis. Pour l’instant la vaporette est considérée comme un objet usuel non soumis légalement aux restrictions des produits du tabac. Toutefois, à l’instar du Valais qui a interdit la vente de vaporettes aux mineurs et devrait interdire sa publicité dans les lieux publics et les espaces privés accessibles au public, d’autres cantons sont en réflexion autour de cette problématique afin, particulièrement, de protéger les jeunes. La commercialisation en Suisse de vaporettes contenant de la nicotine est autorisée, qu’elle soit importée ou fabriquée en Suisse, si elle satisfait aux exigences des normes européennes et si elle est distribuée sur le marché de l’un de ces pays. Malgré des données encore insuffisantes sur son efficacité à long terme pour le sevrage tabagique, une méta-analyse et une étude récente suggèrent que le vapotage avec nicotine favorise l’arrêt du tabac [33, 34]. Il représente donc une alternative pour l’arrêt, voire pour la réduction du tabagisme, pour les ­patient-e-s qui ne veulent pas ou ne parviennent pas à cesser de fumer avec l’aide des médicaments (substituts nicotiniques, varénicline, bupropion). ­L’objectif principal doit rester l’arrêt définitif.

4. L’intervention soutenue d’aide à l’arrêt du tabac: To assist

Les chances de succès de celui qui tente d’arrêter seul sont estimées entre 3 à 11%. Ce taux de succès peut être augmenté à 17–30% d’arrêt à 6 mois sans rechute grâce à une prise en charge combinant un traitement médicamenteux et une approche comportementale [16]. Le-la généraliste peut prévoir une consultation spécifique pour l’arrêt du tabac de 20–30 minutes. Pendant cet entretien, le-la médecin apporte un soutien psychologique, encourage et valorise la décision d’arrêt, informe des symptômes de sevrage, et conseille un traitement médicamenteux. Une date d’arrêt est définie par le-la fumeur-euse. C’est aussi l’occasion d’aborder la question du vapotage, avec les connaissances ­actuelles sur l’efficacité de ce dispositif pour l’arrêt du tabac, de ses avantages et inconvénients.

L’aide médicamenteuse

Les substituts nicotiniques sont efficaces et bien tolérés [21]. Ils sont conseillés chez toutes les personnes fumeuses dépendantes à la nicotine (tab. 3). Il existe des précautions mais pas de contre-indications absolues à leur utilisation puisqu’il est toujours moins dangereux d’utiliser des substituts nicotiniques que de continuer à fumer la cigarette. Toutes les formes de substituts nicotiniques augmentent le taux d’arrêt du tabac en atténuant les symptômes de sevrage. Dans la pratique, on combine presque systématiquement un ou plusieurs substituts rapides (gomme à mâcher, comprimé, inhalateur, spray buccal) à un substitut de longue durée d’action (patch transdermique). Cette association étant plus efficace que l’utilisation d’un seul substitut. Le choix de la forme tiendra compte du souhait du patient. Les substituts de nicotine peuvent être partiellement remboursés par certaines assurances complémentaires, moyennant une prescription médicale. Les deux autres options de traitement sont la varénicline (Champix®)et le bupropion (Zyban®) qui agissent au niveau du système nerveux central et diminuent les symptômes de sevrage. Ils ont une efficacité similaire ou supérieure aux substituts nicotiniques. Des contre-indications absolues et relatives existent pour ces traitements ainsi que des effets secondaires. Ces 2 traitements sont remboursés par l’assurance maladie de base si certains critères sont remplis (tab. 3).

5 Suivi après l’arrêt du tabac: To Arrange

L’accompagnement ne s’arrête pas au moment de l’arrêt. Le risque de rechute est de 80% durant la première année qui suit l’arrêt [22]. L’objectif du suivi est d’optimiser l’accompagnement de l’ancien-ne fumeur-euse durant les premiers 6 mois après le sevrage tabagique pour l’aider à faire face aux difficultés liées à l’arrêt, à la baisse de motivation et prévenir les rechutes.
Le-la médecin planifie des consultations de suivi en général à 1 semaine, puis entre 2 et 4 semaines et à 8 semaines et des contacts réguliers sont proposés jusqu’à 6 mois après l’arrêt. Un plan de suivi permettra
– d’évaluer l’état d’abstinence ou de rechute. Il est important d’informer à l’avance le fumeur que des faux pas sont possibles, et qu’ils ne signifient pas pour autant un échec définitif et total. Un sentiment de culpabilité facilite la rechute, à partir de ce qui n’aurait pu être qu’un faux pas. Le médecin valorise le parcours réalisé comme succès et la rechute comme une expérience d’apprentissage.
– de soutenir la motivation: Si la motivation diminue, l’ex-fumeur-euse bénéficiera d’un entretien visant à renforcer sa motivation.
– de rechercher d’éventuelles difficultés physiques, psychologiques et comportementales: le but est d’identifier les problèmes qui ont déjà été rencontrés et anticiper ceux prévisibles dans l’avenir immédiat et de mettre en place des stratégies pour faire face à ces difficultés.
– d’évaluer les traitements médicamenteux. Il s’agit de vérifier la bonne compliance, leur effet sur les symptômes de sevrage, les éventuels effets secondaires et les signes de sous/surdosage afin d’adapter les dosages.
S’ils-elles ne souhaitent pas s’investir personnellement dans cette problématique ou ne disposent pas du temps nécessaire, les généralistes peuvent proposer aux patient-e-s fumeur-euse-s des professionnel-le-s de la santé spécialisés dans l’accompagnement à l’arrêt du tabac.
Bien entendu, un travail de motivation par le médecin traitant sera le plus souvent nécessaire avant que le ­fumeur ne décide de prendre un rendez-vous.

A retenir

– Le tabagisme est une dépendance qui nécessite une aide comme les autres addictions et un suivi comme les autres maladies chroniques.
– Le tabagisme augmente le risque de nombreuses pathologies ainsi que la mortalité et diminue la qualité de vie
– L’arrêt du tabac permet d’augmenter l’espérance de vie de plus de 10 ans.
– Il est recommandé de documenter le statut tabagique de tous-tes les patient-e-s et de proposer une aide à l’arrêt aux fumeuses et fumeurs.
– Une prise en charge médicale, accompagnée d’une aide médicamenteuse permet d’augmenter la probabilité de l’arrêt.
– Le vapotage peut être proposé en alternative aux patient-e-s qui ont du mal à arrêter, en les informant des données scientifiques actuelles. Il est important de ne pas acheter des produits dont la provenance n’est pas connue, d’utiliser des e-liquides correspondant aux normes européennes, de ne pas modifier les e-liquides et de ne pas leur rajouter des substances, tout particulièrement des liquides ou huiles avec THC ou CBD susceptibles de provoquer des pneumopathies.
Professeur Carole Clair
Policlinique Médicale ­Universitaire
Rue du Bugnon 44
CH-1011 Lausanne
carole.clair[at]hospvd.ch
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