Besoins actuels en formation d’échographie du point de vue des médecins assistant·e·s
Formation d’échographie

Besoins actuels en formation d’échographie du point de vue des médecins assistant·e·s

Article original
Édition
2023/12
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2023.1305642177
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2023;23(12):363-365

Affiliations
a Klinik für Innere Medizin, Spitalzentrum Biel, Biel
b Universitätsklinik für Allgemeine Innere Medizin, Inselspital, Bern
c School of Health Professions Education, Maastricht University, Maastricht, Niederlande

Publié le 06.12.2023

Abstract

Introduction: L’échographie gagne en importance au cabinet médical. Initialement réservée aux spécialistes, elle est désormais de plus en plus souvent disponible pour presque tous les patients et patientes en complément de l’examen clinique. Mais la précision diagnostique de l’échographie dépend aussi des compétences des personnes réalisant l’examen. Cela a incité la Société suisse de médecine interne générale (SSMIG) à intégrer dans le programme de formation postgraduée les cours échographie Point of Care (POCUS) Bases de l’échographie d’urgence. La mise en œuvre d’une formation complémentaire en échographie dans le cadre de l’assistanat fait toutefois face à divers défis en présence de ressources limitées. L’objectif de notre sondage est d’évaluer comment les jeunes médecins assistantes et médecins assistants jugent la formation actuelle en échographie et quels sont leurs besoins dans ce domaine.
Méthode: Nous avons réalisé un sondage auprès des anciens étudiants et étudiantes diplômés en 2018 et 2019 à la faculté de médecine de l’Université de Berne. Le sondage contenait principalement des questions à choix multiples. Le questionnaire a été envoyé pour la première fois en février 2022. L’analyse des résultats a été réalisée par les auteures et auteurs.
Résultats: Sur les 345 personnes contactées, 118 ont rempli le questionnaire (taux de réponse 34%). 75% (n = 89) des personnes interrogées avaient suivi un cours de base en échographie abdominale et la majorité d’entre elles aspiraient à un titre FMH en médecine interne générale (84%, n = 75). Les personnes interrogées disposant d’une formation d’échographie jugeaient celle-ci pertinente pendant les études (84%, n = 75). Les compétences considérées comme étant pertinentes pour les premières années d’assistanat étaient la procédure eFAST (91%, n=81), la mesure échographique du résidu post-mictionnel (87%, n = 77) et la ponction échoguidée (66%, n = 59). Une faible majorité des personnes interrogées se sentaient bien soutenues par leur employeur dans l’apprentissage de l’échographie (55%, n = 49). Les conditions essentielles pour l’acquisition de compétences en échographie incluaient la supervision (81%, n = 72) et le temps dédié aux examens échographiques (52%, n = 46).
Discussion: Pour les médecins assistantes et médecins assistants, l’utilité de l’échographie est incontestée. La formation ciblée au quotidien clinique est toutefois encore très difficile, bien que certains efforts semblent avoir été fournis. Les besoins des personnes interrogées, dont la majorité aspire à un titre de spécialiste en médecine interne générale (MIG), se recoupent presque entièrement avec la composante 1 de POCUS (Bases de l’échographie d’urgence). Cela souligne l’importance de la récente révision du programme de formation postgraduée en MIG avec l’ajout de la composante mentionnée.
Keywords: échographie, formation, médecins assistantes et médecins assistants

Introduction

L’échographie est de plus en souvent utilisée dans la pratique médicale quotidienne. Ces dernières années, de nombreuses applications ont été développées, de la simple évaluation de patientes et patients traumatiques aux échographies de contraste ultrasonore hautement complexes. De nouvelles possibilités d’utilisation de l’échographie se profilent particulièrement en médecine interne générale (MIG) [1]. Ainsi par exemple, l’emploi de l’échographie pulmonaire lors de l’examen clinique initial d’une dyspnée aiguë présente une précision significativement supérieure pour identifier les causes cardiogéniques par rapport aux radiographies ou examens de laboratoires seuls [2]. Similairement, la mise en évidence d’une pneumonie avec un appareil à ultrasons présente une sensibilité et une spécificité comparables à celles d’une radiographie conventionnelle dans deux plans [3]. Il s’est en outre avéré que l’échographie Point of Care (POCUS) pouvait être intégrée dans la formation postgraduée des médecins assistantes et médecins assistants [4]. En raison de cette importance croissante, la Société suisse de médecine interne générale (SSMIG) a inclus dans le programme de formation postgraduée les cours échographie Point of Care (POCUS) Bases de l’échographie d’urgence.
Il convient donc d’assurer une solide formation et mise en application des contenus échographiques dans la formation initiale et postgraduée des futures et futurs spécialistes en médecine interne générale. Les défis de la formation incluent l’accès aux appareils à ultrasons, la disponibilité des tutrices et tuteurs [5] et le temps suffisant pour apprendre l’échographie à la clinique. Il est pertinent de définir quels sont les examens échographiques les plus importants pour les médecins assistantes et médecins assistants. L’objectif de notre sondage était de déterminer comment les jeunes médecins assistantes et médecins assistants jugent la formation actuelle en échographie et quels sont leurs besoins dans ce domaine.

Méthode

Conception et population de l’étude

Nous avons réalisé un sondage auprès des anciens étudiants et étudiantes diplômés en 2018 et 2019 à la faculté de médecine de l’Université de Berne, qui sont désormais de jeunes médecins assistantes et médecins assistants. Le questionnaire leur est parvenu par e-mail en février 2022. Un rappel a été envoyé 6 semaines plus tard, puis un autre 2 semaines après. Pour accroître le taux de participation, des bons-cadeaux d’une valeur de CHF 50 ont été offerts par tirage au sort. La participation au sondage était anonyme et volontaire. Il ne contenait aucune question sur des thèmes sensibles ou liés à la santé. Il ne relevait donc pas du champ d’application de la loi relative à la recherche sur l’être humain et la commission d’éthique du canton de Berne s’est déclarée non responsable (art. 2. para. 2 LRH).

Sondage

Le questionnaire a élaboré par les auteurs sur les bases d’un aperçu de la littérature et des expériences cliniques [5–11]. Des questions ont été posées sur l’enseignement actuel de l’échographie, l’état de l’expérience et le besoin existant en formation complémentaire d’échographie. Le questionnaire comprenait 27 questions, y répondre prenait au maximum 10 minutes (cf. annexe en ligne). La plupart des questions étaient fermées et ont été évaluées sur l’échelle de Likert à 5 points. Il y avait la possibilité d’émettre des commentaires libres. Les caractéristiques démographiques des personnes participantes, l’expérience clinique et le titre de spécialiste visé ont été enregistrés. Le questionnaire a été testé par des médecins assistantes et médecins assistants de la clinique universitaire de médecine interne générale de l’Inselspital et leurs commentaires ont été pris en compte.

Analyse des données

La répartition des réponses a été calculée en pourcentage pour chaque question. Aucune autre analyse statistique n’a été réalisée.

Résultats

Sur les 429 anciens étudiants et étudiantes diplômés en 2018 et 2019 à la faculté de médecine de l’Université de Berne, 84 adresses e-mail n’étaient plus valables ou erronées; nous avons pu contacté 345 personnes. Le taux de réponse était de 34 % (n = 118).
Sur les 118 personnes ayant répondu, 29 n’avaient pas de formation d’échographie et ont été exclues du reste de l’analyse. Au total, 89 anciens étudiants et étudiantes ont complété une formation d’échographie abdominale. Parmi eux, 55 (62%) avaient suivi un cours d’échographie après les études. Une majorité aspirait au titre de spécialiste en MIG (81%, n = 72). De nombreuses personnes interrogées prévoyaient un diplôme d’échographie abdominale (80 %, n = 71) et souhaiteraient suivre un autre module d’échographie (72 %, n = 64): POCUS Bases de l’échographie d’urgence (57%, n = 51), module Appareil locomoteur (28%, n = 25), POCUS Échographie ciblée de l’appareil locomoteur (25%, n = 22) et POCUS Échographie thoracique ciblée (20%, n = 18).
Les médecins assistantes et médecins assistants ont souligné l’importance de l’échographie pendant le service ou aux urgences, en particulier dans les petits hôpitaux. La haute importance ou le manque d’examens échographiques supervisés ont été jugés centraux pour la formation complémentaire d’échographie. Plusieurs médecins assistantes et médecins assistants ont fait remarquer la durée trop longue entre le cours de base et le début de la formation postgraduée de spécialiste, qui entraîne une perte de connaissances et compétences en échographie. Les premières années après les études ont souvent été évaluées comme étant non favorables à une utilisation complète de l’échographie, car le quotidien des médecins novices est déjà très chargé.
Le tableau 2 répertorie les compétences échographiques spécifiques jugées les plus importantes sur le plan clinique par les personnes interrogées.
Une faible majorité (55%, n = 49) a indiqué se sentir «bien soutenue» ou «soutenue» par l’établissement de formation postgraduée dans l’apprentissage des compétences échographiques. Cependant, les personnes interrogées souhaitaient surtout davantage d’examens supervisés (81%, n = 72) et de temps dédié à ceux-ci pendant la journée de travail (52%, n = 46). L’accès aux cours en ligne ou cours du soir a été jugé peu utile avec respectivement 35 % (n = 31) et 28% (n = 25). Un accès plus facile aux appareils à ultrasons a été souhaité par 44% (n = 39). Dans les commentaires libres, le manque de supervision a principalement été cité comme obstacle à la formation complémentaire d’échographie.

Discussion

L’importance de l’échographie dans la pratique clinique était également visible dans notre sondage. L’utilité de l’apprentissage de l’échographie de l’abdomen supérieur, de la procédure eFAST, de la mesure échographique du résidu post-mictionnel et des ponctions échoguidées a particulièrement été mise en avant. Au vu de notre sondage, un temps de travail dédié à l’échographie et la possibilité de réaliser plus d’examens échographiques supervisés amélioreraient l’apprentissage de l’échographie du point de vue des médecins assistantes et médecins assistants. Le sondage a également montré que le moment opportun de l’apprentissage des bases de l’échographie était important. Certaines personnes ont indiqué que les études étaient trop éloignées des premières opportunités cliniques d’utilisation et de mise en application. Pour d’autres, il était en revanche possible de réaliser les premiers examens supervisés tôt dans la formation postgraduée et ces personnes étaient moins hésitantes à utiliser l’échographie, ce qui concorde avec les résultats de Dietrich et al. [5].
Les résultats de notre étude sont particulièrement pertinents pour la Société suisse de médecine interne générale, car l’écrasante majorité des médecins assistantes et médecins assistants aspirent au titre de spécialiste en MIG. Avec la dernière révision du programme de formation postgraduée en vue de l’obtention du titre de spécialiste en MIG, l’échographie a été intégrée dans le catalogue des objectifs de formation, et les futures et futurs spécialistes en médecine interne générale doivent donc satisfaire aux exigences de la composante 1 de POCUS Bases de l’échographie d’urgence. Nous avons remarqué que les objectifs didactiques de ce module se recoupaient presque entièrement avec les principales compétences cliniques en échographie citées par les personnes interrogées. La maîtrise des contenus de formation échographique comme l’examen focalisé au moyen de questions définies, telles que la mesure du résidu post-mictionnel ou la ponction échoguidée, sont donc non seulement nécessaires pour l’obtention du titre de spécialiste, mais aussi jugés pertinents dans le catalogue clinique par les jeunes médecins assistantes et médecins assistants.
Les résultats de notre étude se recoupent avec des données des États-Unis, où l’échographie a été considérée comme étant particulièrement pertinente par les jeunes assistantes et assistants ainsi que les étudiantes et étudiants en médecine interne en tant qu’outil d’aide à la thoracocentèse / paracentèse, à l’examen de la vésicule biliaire et à la recherche d’un épanchement pleural ainsi que pour poser un cathéter veineux central [12]. Similairement, dans une étude canadienne sur la formation d’échographie en médecine d’urgence, l’examen FAST et l’échographie en cas d’arrêt cardiaque, à la recherche d’un épanchement péricardique et pour l’accès vasculaire, étaient considérés par les médecins assistantes et médecins assistants comme les applications qu’ils utiliseraient eux-mêmes le plus dans leur future pratique clinique [13].
Notre sondage est surtout limité par la faible participation et le taux bas de réponse. Par ailleurs, les déclarations se limitent aux anciens étudiants et étudiantes de deux promotions de la faculté de médecine de Berne, sachant que l’échographie est enseignée différemment dans chaque faculté.
Pour résumer, la mise en application de l’échographie pendant la formation postgraduée de spécialiste est essentielle car, premièrement, il est prouvé que ces examens peuvent améliorer la gestion clinique des patientes et patients [2, 3, 14] et, deuxièmement, les médecins assistantes et médecins assistants jugent les compétences en échographie importantes pour le quotidien clinique. De plus, plusieurs études ont montré que l’apprentissage ciblé durant la formation postgraduée permettait d’améliorer les compétences en échographie [4, 8–11]. À notre connaissance, notre sondage est le premier à avoir directement enregistré les besoins en formation d’échographie des médecins assistantes et médecins assistants peu expérimentés en Suisse. Selon la relève en médecine interne, les établissements de formation postgraduée sont tenus d’optimiser la formation d’échographie en formant et mettant à disposition des personnes chargées de la supervision et en allouant du temps à la pratique, ce qui pose un défi en termes d’optimisation des coûts et au vu de la charge de travail. La formation d’échographie doit mettre l’accent sur les compétences décisives pour la pratique quotidienne de l’échographie en médecine interne générale. D’autres études sont nécessaires pour déterminer quelles méthodes permettent une mise en œuvre efficace d’un programme ciblé d’échographie.
Dr méd. Baptiste F. Crelier
Médecine interne
Centre hospitalier Bienne
CH-2501 Bienne
baptiste.crelier[at]gmail.com
1 Manns MP, Schellong SM, Hallek M. Sonographie in der Inneren Medizin. Internist (Berl). 2012 Mar;53(3):249–50.

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