Commentaire
La combinaison de symptômes persistants malgré l'arrêt des statines, d'une parésie à prédominance proximale, d'une forte élévation persistante de la CK, d'une EMG pathologique, de signes inflammatoires à l'IRM, d'une histologie musculaire correspondante ainsi que d'anticorps anti-HMGCR fortement positifs a conduit au diagnostic d'une myopathie nécrosante à médiation auto-immune avec anticorps anti-HMGCR positifs (MNAI anti-HMGCR). Cette complication survient chez environ 2 patientes et patients sur 1 000 000 par an sous traitement par statine [11, 12]. Au même titre que la MNAI avec anticorps anti-SRP positifs et la MNAI séronégative, il s'agit d'un sous-type de myopathie nécrosante à médiation auto-immune (MNAI) [13]. Ensemble, ces trois entités forment un sous-groupe des myopathies inflammatoires idiopathiques. Outre les MNAI, ce groupe comprend la dermatomyosite, la polymyosite et la myosite à inclusions.
Selon les lignes directrices, la pose du diagnostic de MNAI anti-HMGCR requiert un tableau clinique caractéristique, constitué d'une parésie proximale des membres inférieurs et d'une augmentation de la CK sérique, ainsi que des anticorps anti-HMGCR positifs [13, 14]. Dans de telles situations, une biopsie musculaire n'est pas obligatoirement nécessaire. Une EMG peut servir à exclure des diagnostics différentiels tels que la myasthénie grave ou une neuropathie [15]. Dans les cas douteux, une biopsie musculaire est impérative afin de ne pas passer à côté d'éventuelles autres myopathies/myosites sous-jacentes. Cela constitue également la base du traitement à long terme.
Sur le plan clinique, les patientes et patients signalent majoritairement, au début, des parésies proximales légères à modérées, qui progressent lentement et sont la plupart du temps symétriques. Les muscles fessiers ainsi que les muscles postérieurs et médians de la cuisse sont particulièrement souvent touchés [16]. Les crampes et les douleurs musculaires font également partie des symptômes d'une MNAI anti-HMGCR, mais peuvent aussi survenir dans le cadre de SMAS. Des troubles persistants ou croissants malgré l'arrêt du traitement par statine permettent de distinguer la MNAI anti-HMGCR des SMAS. Des symptômes extra-musculaires, tels qu'altérations cutanées, arthrites ou phénomènes de Raynaud, sont très rarement observés dans la MNAI anti-HMGCR, contrairement à d'autres myopathies inflammatoires. Une atteinte cardiaque ou interstitielle pulmonaire est également atypique. Les analyses de laboratoire montrent une CK élevée, de l'ordre de 5 000 à 10 000 U/l (dans de rares cas, jusqu'à 50 000 U/l). À la différence de la rhabdomyolyse, la MNAI anti-HMGCR s'accompagne rarement d'une atteinte rénale [17].
En raison de similitudes cliniques et de laboratoire, la MNAI anti-HMGCR était autrefois souvent diagnostiquée à tort comme une polymyosite ou une dermatomyosite (séronégative). En 2011, on a toutefois découvert chez les patientes et patients concernés des anticorps anti-HMGCR qui sont hautement spécifiques [18, 19] de la MNAI anti-HMGCR et qui sont probablement dirigés contre la HMG-CoA réductase. Les panels d'anticorps facilitent considérablement la distinction et donc la pose du diagnostic des myopathies inflammatoires, car dans la majorité des cas, un seul anticorps spécifique de la myosite peut être détecté [16]. Jusqu'à présent, des anticorps anti-HMGCR n'ont pas été détectés chez les patientes et patients asymptomatiques sous traitement maximal par statine, ni chez les patientes et patients présentant une myotoxicité auto-limitante liée aux statines ou souffrant de myopathies d'origine génétique [13]. L'exposition aux statines favorise vraisemblablement l'apparition de ces anticorps. Toutefois, elle n'est pas nécessairement requise pour le développement de la maladie. Des aliments tels que la levure de riz rouge, le thé Pu-Erh ou les pleurotes, qui contiennent des composants similaires aux statines, sont également soupçonnés de pouvoir déclencher une MNAI anti-HMGCR. Par exemple, le riz rouge fermenté peut contenir de la monacoline K, qui est chimiquement identique à la lovastatine.
L'EMG montre typiquement un profil myopathique non spécifique, avec une activité spontanée pathologique sous forme de fibrillations et d'ondes positives nettes [20]. L'IRM n'est pas spécifique chez les patientes et patients atteints de MNAI anti-HMGCR. Il est fréquent de constater un œdème étendu dans le cadre de l'inflammation musculaire ainsi que des signes très précoces de remodelage musculaire graisseux, en particulier des muscles proximaux (fig. 2 et 3, image du haut) [21]. Des inflammations du tissu sous-cutané et des fascias musculaires des extrémités peuvent se produire. Comme le tissu musculaire n'est affecté que de manière tachetée et inhomogène chez certaines personnes, l'IRM aide à choisir le site de la biopsie musculaire [15]. Les biopsies musculaires montrent, dans une mesure variable, la présence simultanée de nécroses des fibres musculaires et de zones de régénération. On observe typiquement une expression accrue du CMH-I ainsi que des complexes d'attaque membranaire détectables sur les cellules musculaires non nécrosées. Les atrophies périfasciculaires ainsi que les infiltrations lymphocytaires sont peu fréquentes et distinguent la MNAI des autres myopathies inflammatoires [22, 13].
Dans la majorité des cas, la MNAI anti-HMGCR apparaît quelques mois à quelques années après le début du traitement par statine [23]. La raison pour laquelle, dans le cas présent, la maladie n'est apparue que plus de dix ans après le début du traitement par statine demeure indéterminée. Des données indiquent que la maladie est plus fréquente sous atorvastatine que sous d'autres statines [24]. Le passage de la fluvastatine à l'atorvastatine pourrait donc être une cause possible de l'apparition retardée de la maladie, même si des rapports de cas correspondants font défaut.
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