Myopathie nécrosante à médiation auto-immune avec anticorps anti-HMGCR positifs
2 patientes et patients sur 1 000 000 par an
Peer-review

Myopathie nécrosante à médiation auto-immune avec anticorps anti-HMGCR positifs

Case reports
Édition
2023/11
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2023.1282973107
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2023;23(11):342-347

Affiliations
a Medizinische Fakultät, Universität Bern
b Universitätsklinik für Neurologie, Inselspital, Universitätsspital Bern
c Lipidsprechstunde, Klinik für Allgemeine Innere Medizin, Inselspital, Universitätsspital Bern
d Berner Institut für Hausarztmedizin (BIHAM), Universität Bern

Publié le 01.11.2023

Diagnostic initial d’hyperlipidémie

Lors d’un contrôle de laboratoire en raison de glomérulonéphrites récidivantes, un patient, alors âgé de 36 ans, a présenté pour la première fois une dyslipidémie avec un cholestérol total de 6,6 mmol/l, un cholestérol à lipoprotéines de basse densité (C-LDL) de 4,5 mmol/l, un cholestérol à lipoprotéines de haute densité (C-HDL) de 0,78 mmol/l et des triglycérides de 2,7 mmol/l (fig. 1). La fonction rénale, la glycémie ainsi que les paramètres hépatiques, thyroïdiens et cholestatiques étaient dans la norme. Le patient a indiqué qu’il ne fumait pas, qu'il consommait rarement de l’alcool et qu’il faisait régulièrement de l’exercice. Il prenait du carvédilol, du valsartan, de l’amlodipine et de l’hydrochlorothiazide en raison d’une hypertension artérielle. L’anamnèse familiale était sans particularité en ce qui concerne les évènements cardiovasculaires. Des stigmates d’hypercholestérolémie familiale, tels que xanthomes tendineux ou arcs cornéens, n'étaient pas présents. Il a été recommandé au patient d'adapter son alimentation, et aucun traitement médicamenteux n'a été initié dans un premier temps. Lors de contrôles ultérieurs des valeurs lipidiques, un C-LDL de 5,6 mmol/l au maximum a été constaté. À 42 ans, le patient a commencé un traitement par fluvastatine, qu'il a bien toléré pendant de nombreuses années. En raison d'une réduction insuffisante du C-LDL, le traitement hypolipémiant a été remplacé par l'atorvastatine à l’âge de 55 ans (tab. 1).
Figure 1: Évolution des triglycérides et du C-LDL en relation avec le traitement hypolipémiant. L'année zéro représente le moment où le diagnostic a été posé, soit l'année 2014.

Commentaire

Le profil lipidique, avec des valeurs élevées de C-LDL et de triglycérides, permet de conclure à une hyperlipidémie mixte [1a]. En combinaison avec des valeurs élevées de cholestérol total, cela correspond à une hyperlipoprotéinémie de type IIb selon Fredrickson. Le C-HDL est souvent bas [2]. Les causes fréquentes d'hyperlipidémie secondaire (maladies hépatiques cholestatiques, hypothyroïdie, diabète, insuffisance rénale) doivent être exclues. Des interactions entre médicaments ainsi que des effets indésirables des médicaments doivent également être envisagés comme cause de la dyslipidémie [3]. Dans le cas présent, le traitement par hydrochlorothiazide pourrait avoir provoqué une légère augmentation des triglycérides [4].
Chez les patientes et patients présentant des valeurs lipidiques nettement élevées (C-LDL >5 mmol/l, cholestérol total >7 mmol/l, triglycérides >5 mmol/l), des signes cliniques évocateurs tels qu'un gérontoxon avant 45 ans, des xanthomes tendineux ou cutanés, des maladies cardiovasculaires précoces (en particulier chez les hommes avant 55 ans, chez les femmes avant 60 ans) ou des apparentés souffrant de maladies cardiovasculaires précoces, il convient d'envisager des hyperlipidémies familiales dans le cadre du diagnostic différentiel. La probabilité qu'une hypercholestérolémie familiale soit présente peut être évaluée au moyen du «Dutch Lipid Clinic Network Score». Une analyse génétique à la recherche des mutations les plus fréquentes peut confirmer le diagnostic, bien que cette analyse ne soit actuellement pas remboursée par les caisses-maladie en Suisse.
En l'absence d'hyperlipidémie familiale, il convient de procéder à une stratification du risque cardiovasculaire. En Suisse, il est recommandé d'utiliser le score du groupe de travail Lipides et Athérosclérose (GSLA), qui indique la probabilité d'être victime d'un infarctus du myocarde non fatal ou d'un évènement coronarien fatal au cours des dix prochaines années [5]. En cas d'hyperlipidémie familiale, ce score sous-estime toutefois fortement le risque et ne doit pas être utilisé. La décision de recourir à un traitement hypolipémiant est prise sur la base des lignes directrices actuelles [1a], bien que toutes les recommandations ne soient pas basées sur l'évidence [6]. En cas d'hyperlipidémie familiale ou dans les cas douteux, il convient d'envisager un bilan dans une consultation spécialisée des lipides. En outre, des modifications non médicamenteuses du mode de vie sont recommandées. En font partie l'arrêt du tabac, une consommation modérée d'alcool, la perte de poids en cas de surpoids, une activité physique régulière (30 à 60 minutes par jour), ainsi que des adaptations diététiques avec une alimentation pauvre en viande rouge ou transformée, pauvre en glucides raffinés et en sel, mais riche en légumes, légumineuses, poisson, huiles végétales et produits à base de céréales complètes.

Premiers troubles musculaires

Un an après le passage à l'atorvastatine, le patient a constaté une faiblesse lentement progressive, prédominant à gauche, dans les bras et les jambes, qui le gênait considérablement dans sa vie quotidienne. Il se plaignait de difficultés à lever les bras au-dessus de l'horizontale et à passer de la position assise à la position debout. En plus de crampes musculaires dans les jambes depuis des années, le patient a signalé l'apparition répétée de courbatures dans les membres, même après des efforts physiques minimes. L'examen clinique a révélé un état général et un état neurologique normaux. Les analyses de laboratoire ont montré une augmentation de la créatine kinase (CK) >2 000 U/l. Face à une suspicion de symptômes musculaires associés aux statines (SMAS), l'atorvastatine a été arrêtée et une attitude attentiste a été adoptée, avec des contrôles réguliers des taux de CK.

Commentaire

À ce moment-là, il a été supposé qu'il s'agissait d'une myopathie comme effet indésirable des statines. Des SMAS surviennent chez environ 10% des patientes et patients [7]. L'incidence exacte n'est pas connue, étant donné qu'il est difficile de faire la distinction par rapport aux troubles musculaires d'autres causes, que des SMAS sont plus souvent signalés dans la pratique clinique quotidienne que dans les études en aveugle et que les patientes et patients sont souvent sensibilisés à ce sujet en raison des multiples discussions sur les effets indésirables des statines [8]. Le spectre des troubles va des myalgies ou myopathies légères à la rhabdomyolyse potentiellement mortelle avec insuffisance rénale aiguë, en passant par les myosites [9].
Les myalgies dans le cadre des SMAS désignent des troubles musculaires, tels que douleurs, raideur, courbatures ou crampes, sans augmentation de la CK. Une faiblesse musculaire pendant l'exposition aux statines peut être indicative d'une myopathie due aux statines. Des augmentations de la CK peuvent se produire, mais ne sont pas obligatoires, ce qui complique la pose du diagnostic. La rhabdomyolyse se caractérise par une destruction prononcée des muscles accompagnée de douleurs et de raideurs musculaires, d'une forte augmentation de la CK ainsi que d'une myoglobinurie ou d'une insuffisance rénale aiguë. Tous ces troubles ont en commun le fait qu'ils apparaissent pendant un traitement par statine (le plus souvent des semaines ou des mois après le début ou le changement du traitement, rarement aussi après des années de prise), mais qu'ils régressent en quelques jours à semaines après l'arrêt du traitement [10].

Évolution ultérieure et pose du diagnostic

Quelques mois après l'arrêt de la statine, des troubles fluctuants ont persisté, avec une progression des douleurs et de la faiblesse musculaires à la marche, en montant les escaliers et en se levant de la position accroupie. L'examen clinique a révélé une légère tétraparésie à prédominance proximale lors du test de force. Les analyses de laboratoire ont montré une élévation de la CK à 7 800 U/l. Le patient a alors été adressé à une consultation neurologique. À l'électromyographie (EMG), il y avait une activité spontanée pathologique dans le deltoïde gauche et le droit fémoral gauche à plusieurs endroits, sous forme de fibrillations, d'ondes positives nettes, de fasciculations et de décharges pseudomyotoniques, avec un tracé d'interférence normal. En raison de la prédominance gauche des symptômes, une IRM de la cuisse gauche a été réalisée, montrant de discrètes prises de contraste dans la partie distale du muscle vaste latéral et dans le muscle grand glutéal. La biopsie musculaire consécutive a fourni des résultats histologiques non spécifiques, avec des nécroses des fibres musculaires et des macrophages abondants. En raison de la suspicion d'une origine auto-immune, une recherche d'anticorps a été effectuée par la suite, qui s'est révélée fortement positive pour les anticorps anti-3-hydroxy-3-methylglutaryl-coenzyme A réductase (anti-HMGCR). Les autres analyses de laboratoire étaient normales; en particulier, aucun indice d'autres maladies auto-immunes ou infectieuses n'a été trouvé. Les sérologies du VIH, de Treponema pallidum et de l'hépatite B et C ainsi qu'un test Quantiféron se sont révélés négatifs; des anticorps antinucléaires, anti-protéine P ribosomale, anti-Jo-1, anti-phospholipides 7, anti-phospholipides 12 et anti-signal-recognition-particle (SRP) n'étaient pas détectables. La CRP et la vitesse de sédimentation étaient dans la norme. L'ECG était sans particularité.

Commentaire

La combinaison de symptômes persistants malgré l'arrêt des statines, d'une parésie à prédominance proximale, d'une forte élévation persistante de la CK, d'une EMG pathologique, de signes inflammatoires à l'IRM, d'une histologie musculaire correspondante ainsi que d'anticorps anti-HMGCR fortement positifs a conduit au diagnostic d'une myopathie nécrosante à médiation auto-immune avec anticorps anti-HMGCR positifs (MNAI anti-HMGCR). Cette complication survient chez environ 2 patientes et patients sur 1 000 000 par an sous traitement par statine [11, 12]. Au même titre que la MNAI avec anticorps anti-SRP positifs et la MNAI séronégative, il s'agit d'un sous-type de myopathie nécrosante à médiation auto-immune (MNAI) [13]. Ensemble, ces trois entités forment un sous-groupe des myopathies inflammatoires idiopathiques. Outre les MNAI, ce groupe comprend la dermatomyosite, la polymyosite et la myosite à inclusions.
Selon les lignes directrices, la pose du diagnostic de MNAI anti-HMGCR requiert un tableau clinique caractéristique, constitué d'une parésie proximale des membres inférieurs et d'une augmentation de la CK sérique, ainsi que des anticorps anti-HMGCR positifs [13, 14]. Dans de telles situations, une biopsie musculaire n'est pas obligatoirement nécessaire. Une EMG peut servir à exclure des diagnostics différentiels tels que la myasthénie grave ou une neuropathie [15]. Dans les cas douteux, une biopsie musculaire est impérative afin de ne pas passer à côté d'éventuelles autres myopathies/myosites sous-jacentes. Cela constitue également la base du traitement à long terme.
Sur le plan clinique, les patientes et patients signalent majoritairement, au début, des parésies proximales légères à modérées, qui progressent lentement et sont la plupart du temps symétriques. Les muscles fessiers ainsi que les muscles postérieurs et médians de la cuisse sont particulièrement souvent touchés [16]. Les crampes et les douleurs musculaires font également partie des symptômes d'une MNAI anti-HMGCR, mais peuvent aussi survenir dans le cadre de SMAS. Des troubles persistants ou croissants malgré l'arrêt du traitement par statine permettent de distinguer la MNAI anti-HMGCR des SMAS. Des symptômes extra-musculaires, tels qu'altérations cutanées, arthrites ou phénomènes de Raynaud, sont très rarement observés dans la MNAI anti-HMGCR, contrairement à d'autres myopathies inflammatoires. Une atteinte cardiaque ou interstitielle pulmonaire est également atypique. Les analyses de laboratoire montrent une CK élevée, de l'ordre de 5 000 à 10 000 U/l (dans de rares cas, jusqu'à 50 000 U/l). À la différence de la rhabdomyolyse, la MNAI anti-HMGCR s'accompagne rarement d'une atteinte rénale [17].
En raison de similitudes cliniques et de laboratoire, la MNAI anti-HMGCR était autrefois souvent diagnostiquée à tort comme une polymyosite ou une dermatomyosite (séronégative). En 2011, on a toutefois découvert chez les patientes et patients concernés des anticorps anti-HMGCR qui sont hautement spécifiques [18, 19] de la MNAI anti-HMGCR et qui sont probablement dirigés contre la HMG-CoA réductase. Les panels d'anticorps facilitent considérablement la distinction et donc la pose du diagnostic des myopathies inflammatoires, car dans la majorité des cas, un seul anticorps spécifique de la myosite peut être détecté [16]. Jusqu'à présent, des anticorps anti-HMGCR n'ont pas été détectés chez les patientes et patients asymptomatiques sous traitement maximal par statine, ni chez les patientes et patients présentant une myotoxicité auto-limitante liée aux statines ou souffrant de myopathies d'origine génétique [13]. L'exposition aux statines favorise vraisemblablement l'apparition de ces anticorps. Toutefois, elle n'est pas nécessairement requise pour le développement de la maladie. Des aliments tels que la levure de riz rouge, le thé Pu-Erh ou les pleurotes, qui contiennent des composants similaires aux statines, sont également soupçonnés de pouvoir déclencher une MNAI anti-HMGCR. Par exemple, le riz rouge fermenté peut contenir de la monacoline K, qui est chimiquement identique à la lovastatine.
L'EMG montre typiquement un profil myopathique non spécifique, avec une activité spontanée pathologique sous forme de fibrillations et d'ondes positives nettes [20]. L'IRM n'est pas spécifique chez les patientes et patients atteints de MNAI anti-HMGCR. Il est fréquent de constater un œdème étendu dans le cadre de l'inflammation musculaire ainsi que des signes très précoces de remodelage musculaire graisseux, en particulier des muscles proximaux (fig. 2 et 3, image du haut) [21]. Des inflammations du tissu sous-cutané et des fascias musculaires des extrémités peuvent se produire. Comme le tissu musculaire n'est affecté que de manière tachetée et inhomogène chez certaines personnes, l'IRM aide à choisir le site de la biopsie musculaire [15]. Les biopsies musculaires montrent, dans une mesure variable, la présence simultanée de nécroses des fibres musculaires et de zones de régénération. On observe typiquement une expression accrue du CMH-I ainsi que des complexes d'attaque membranaire détectables sur les cellules musculaires non nécrosées. Les atrophies périfasciculaires ainsi que les infiltrations lymphocytaires sont peu fréquentes et distinguent la MNAI des autres myopathies inflammatoires [22, 13].
Dans la majorité des cas, la MNAI anti-HMGCR apparaît quelques mois à quelques années après le début du traitement par statine [23]. La raison pour laquelle, dans le cas présent, la maladie n'est apparue que plus de dix ans après le début du traitement par statine demeure indéterminée. Des données indiquent que la maladie est plus fréquente sous atorvastatine que sous d'autres statines [24]. Le passage de la fluvastatine à l'atorvastatine pourrait donc être une cause possible de l'apparition retardée de la maladie, même si des rapports de cas correspondants font défaut.
Figure 2a et b: Quantification de l'activité de la maladie par relaxométrie T2. L'image du haut a) montre la situation avant le début du traitement, celle du bas b) la situation sous traitement immunosuppresseur. On constate une diminution nettement visible de l'activité de la maladie dans les muscles proximaux de la cuisse sur l'image du bas. En raison de la meilleure visibilité des changements, ces images proviennent d'un autre patient. Celui-ci a également donné son consentement à la publication de ses images.
Figure 3a et b: Séquences T2 avec suppression de graisse avant et après le début du traitement immunosuppresseur pour la myopathie nécrosante à médiation auto-immune avec anticorps anti-HMGCR positifs.
a) Situation avant le début du traitement. On constate une hyperintensité du signal au niveau des muscles proximaux ventraux et dorsaux de la cuisse avec une épargne relative du groupe des adducteurs, expression d'un œdème prononcé dans le cadre de l'inflammation et de nécroses des fibres musculaires.
b) Situation sous traitement immunosuppresseur. Les altérations ont nettement régressé, mais le signal reste élevé dans certains muscles (en particulier dans le muscle droit fémoral droit).
En raison de la meilleure visibilité des changements, ces images proviennent d'un autre patient. Celui-ci a également donné son consentement à la publication de ses images.

Traitement de la MNAI anti-HMGCR

Après la pose du diagnostic, une corticothérapie à dose élevée (100 mg de prednisolone par jour) a été initiée, accompagnée d'une physiothérapie pour développer la force. En l'absence d'effet, une décroissance cortisonique a été effectuée après deux semaines (fig. 4). Six semaines après le début de la corticothérapie, un traitement immunosuppresseur par 75 mg d'azathioprine par jour a été initié, puis interrompu en raison d'une cholécystite potentiellement d'origine médicamenteuse. À ce moment-là, les troubles subjectifs et la fonction musculaire du patient s'étaient légèrement améliorés. De plus, la CK avait baissé de 7 841 U/l à 1 662 U/l en l'espace de trois mois.
Figure 4: Aperçu de l'évolution dans le temps des valeurs de créatine kinase en relation avec le traitement médicamenteux (prednisolone et immunosuppresseurs).
En raison de la lente régression des symptômes et de l'augmentation continue de la force sous la monothérapie par corticoïde, la dose a été prudemment réduite pendant des mois. Sous 15 mg de prednisolone par jour, le patient ne présentait plus de symptômes. Après une nouvelle réduction de la dose de corticoïde, la CK a de nouveau augmenté et des douleurs musculaires fortement progressives sont apparues. En l'absence de réponse à une augmentation de la dose de corticoïde, le mycophénolate mofétil (2 g/jour) a été introduit comme immunosuppresseur supplémentaire. Du fait d'un bon contrôle de la maladie, la corticothérapie a par la suite pu être réduite par paliers mensuels de 2,5 mg. L'évolution ultérieure de la maladie, moyennant des contrôles réguliers, a été réjouissante, avec une force normale et des douleurs musculaires rares. La CK ne s'est jamais complètement normalisée pendant toute la période, mais elle est toujours restée en dessous de 1000 U/l.

Commentaire

Il n'existe à ce jour aucune étude clinique randomisée sur le traitement de la MNAI anti-HMGCR [13, 25]. Les recommandations thérapeutiques se basent donc principalement sur des avis d'experts, des rapports de cas et des études observationnelles rétrospectives.
Contrairement aux SMAS, la MNAI anti-HMGCR n'est pas auto-limitante, même après l'arrêt des statines, et nécessite un traitement immunosuppresseur en raison des lésions auto-immunes progressives [14]. Outre l'arrêt immédiat des statines, le traitement initial consiste, selon l'avis des experts, en une corticothérapie orale de 1 mg/kg de poids corporel/jour d'équivalent prednisone. La plupart du temps, un traitement immunosuppresseur supplémentaire est nécessaire. Le méthotrexate est fréquemment utilisé à cet effet [13]. En cas d'intolérance, on utilise souvent l'azathioprine ou le mycophénolate mofétil, bien que dans notre cas, l'argumentation en faveur du choix de l'azathioprine ne soit malheureusement pas documentée. Jusqu'à présent, il n'y a pas de preuves qui favorisent l'une ou l'autre des substances mentionnées pour un traitement à long terme efficace [22]. À la fois le choix et la posologie des principes actifs dépendent donc largement de la sévérité de la maladie, du profil d'effets indésirables ainsi que des comorbidités [16]. En cas de maladie réfractaire, l'association de rituximab ou d'immunoglobuline intraveineuse (IgIV) avec le méthotrexate est recommandée [13, 15]. En cas de poussées très sévères réfractaires au traitement, une plasmaphérèse peut être nécessaire.
Selon l'avis des experts, le traitement immunosuppresseur devrait commencer à être réduit lorsque les patientes et patients ont retrouvé leur force normale [23]. La réduction de la dose ne devrait toutefois pas entraîner une réapparition des symptômes. L'arrêt complet du traitement médicamenteux n'est généralement pas possible [26]. Le pronostic musculaire est moins bon dans la MNAI que dans les autres myosites inflammatoires [15]. Malgré un traitement médicamenteux intensif, des cas d'évolution réfractaire ou progressive de la maladie avec une activité inflammatoire toujours visible à l'IRM ont été rapportés à plusieurs reprises. Une augmentation persistante de la CK malgré une réponse subjective au traitement est fréquente [23].

Traitement intensifié de l'hyperlipidémie

Trois ans et demi après la pose du diagnostic, le patient a été victime d'un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique dans le territoire de l'artère cérébrale moyenne gauche en raison d'une embolie artério-artérielle. Les analyses de laboratoire ont révélé une nette hyperlipidémie au moment de l'AVC, ainsi que pendant toute la durée restante du traitement (fig. 1). Comme le mycophénolate mofétil provoque souvent une hypercholestérolémie comme effet indésirable [27], le traitement immunosuppresseur a été modifié par la suite au profit du sous-cutané méthotrexate (7,5 mg initialement, puis augmentation jusqu'à 15 mg/semaine), dont l'effet sur le profil lipidique est moins prononcé [28]. En outre, le patient a débuté un traitement hypolipémiant par ézétimibe, sous lequel le C-LDL est passé de 4,5 mmol/l à 3,8 mmol/l.

Commentaire

Dans la prévention vasculaire secondaire, un traitement médicamenteux hypolipémiant est indiqué [1a, 1b]. Le traitement par statine occupe la première place à cet égard et est souvent possible même en cas d'intolérance préalable aux statines. Les statines ne devraient toutefois pas être réintroduites chez les patientes et patients atteints de MNAI anti-HMGCR, car elles peuvent entraîner de nouvelles poussées de la maladie [29]. L'ézétimibe et les inhibiteurs de PCSK9 constituent des alternatives. Il n'existe cependant que très peu d'études permettant de savoir si et dans quelle mesure ils influencent la MNAI anti-HMGCR et peuvent donc être utilisés dans cette situation. Une petite étude rétrospective a conclu que les inhibiteurs de PCSK9 sont sûrs et efficaces dans la MNAI anti-HMGCR [30].
En Suisse, les indications pour un traitement par inhibiteur de PCSK9 sont limitées selon la liste des spécialités de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Dans le cas présent, le patient serait éligible au traitement en raison de l'association d'une intolérance aux statines, d'un antécédent d'AVC et d'un taux de C-LDL >2,6 mmol/l. Il est toutefois nécessaire de soupeser individuellement l'influence potentielle de ces médicaments sur l'activité de la maladie et la réduction du risque cardiovasculaire par un traitement hypolipémiant. Dans notre cas, en concertation avec le patient, il avait été initialement décidé de renoncer à un traitement médicamenteux de l'hyperlipidémie. Après l'AVC, un traitement plus agressif de l'hyperlipidémie s'est avéré nécessaire malgré la possible activation de la maladie. En introduisant l'ézétimibe et en changeant le traitement immunosuppresseur, on espérait améliorer le profil lipidique tout en continuant à réprimer l'activité de la MNAI anti-HMGCR.
Pour assurer la transition lors des changements de traitement immunosuppresseur, il est possible d'administrer des corticoïdes – éventuellement des IgIV d'après les dernières connaissances – afin de garantir le maintien de l'immunosuppression. Cependant, comme cela peut avoir une influence défavorable sur le profil lipidique, nous avons décidé de ne pas administrer de corticoïdes et de procéder à des contrôles étroits afin de détecter précocement des changements tels qu'une perte de force, une élévation de la CK ou une augmentation des douleurs.

Activité accrue de la maladie

Cinq ans après la pose du diagnostic, le patient a signalé la réapparition pour la première fois de douleurs à la cuisse et de crampes au mollet, qui ont pu être contrôlées temporairement par une augmentation de la dose de méthotrexate ainsi que par une corticothérapie de 14 jours. La CK est cependant restée élevée (>1 000 U/l) et à peine quelques mois plus tard, une nouvelle augmentation de la CK est survenue, accompagnée de douleurs accrues. Une IRM musculaire a montré, par rapport à l'examen précédent, des signes d'activité accrue de la maladie dans les muscles de la cuisse et de la jambe des deux côtés. Malgré l'intensification de l'immunosuppression, les troubles ont persisté, si bien que le méthotrexate a été remplacé par le mycophénolate mofétil. La posologie a été fixée à 1 g/jour au lieu de 2 g/jour lors du dernier traitement, afin d'obtenir un impact minimal sur les lipides tout en maintenant une immunosuppression suffisante. Sous ce traitement, l'évolution de la maladie a été réjouissante, avec une distance de marche illimitée ainsi que des douleurs et crampes musculaires régressives, raison pour laquelle les corticoïdes ont à nouveau été diminués.

Commentaire

Chez les patientes et patients atteints de MNAI anti-HMGCR, l'immunosuppression est souvent difficile et nécessite parfois plusieurs changements de traitement et/ou une combinaison de plusieurs médicaments afin de trouver un équilibre optimal entre l'activité de la maladie et les effets indésirables [31]. Ainsi, chez notre patient, le méthotrexate ne contrôlait pas suffisamment la MNAI anti-HMGCR et n'était donc pas tolérable pour le patient, malgré son effet favorable sur le profil lipidique. Après une évaluation interdisciplinaire (lipidologues et neurologues) et une prise de décision participative avec le patient, le mycophénolate mofétil a été repris, étant donné que le patient était stable sous ce traitement et que l'administration de corticoïdes à long terme doit être évitée dans la mesure du possible.

Take-home message

  • En cas de symptômes musculaires persistants malgré l'arrêt du traitement par statine, il convient de penser à une myopathie nécrosante à médiation auto-immune avec anticorps anti-HMGCR positifs (MNAI anti-HMGCR) et d'adresser les patientes et patients à une consultation des lipides pour un bilan approfondi.
  • La pose du diagnostic de la MNAI anti-HMGCR repose sur la présence d'une parésie proximale, d'une élévation de la CK sérique et d'anticorps anti-HMGCR positifs. Une EMG, une IRM et une biopsie musculaire peuvent servir à exclure les diagnostics différentiels.
  • Le traitement initial de la MNAI anti-HMGCR consiste le plus souvent en une corticothérapie systémique associée à un immunosuppresseur. Le traitement à long terme et le choix du traitement immunosuppresseur nécessitent souvent plusieurs changements de traitement afin de trouver un équilibre optimal entre le profil d'effets indésirables, le contrôle de l'hyperlipidémie et la suppression de l'activité de la maladie.
  • Les statines sont contre-indiquées en cas de MNAI anti-HMGCR. Le cas échéant, l'ézétimibe ou les inhibiteurs de PCSK9 peuvent être envisagés comme alternative.
Les auteures et les auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d'intérêts potentiels.
PD Dr méd. Manuel Blum
Lipidsprechstunde, Medizinische Poliklinik (MedPol)
Klinik für Allgemeine Innere Medizin
Universitätsspital Bern
Freiburgstrasse 20
CH-3010 Bern
manuel.blum[at]insel.ch
1a Mach F, Baigent C, Catapano AL, Koskinas KC, Casula M, Badimon L, et al.; ESC Scientific Document Group. 2019 ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias: lipid modification to reduce cardiovascular risk. Eur Heart J. 2020 Jan;41(1):111–88.
1b Kleindorfer DO, Towfighi A, Chaturvedi S, Cockroft KM, Gutierrez J, Lombardi-Hill D, Kamel H, Kernan WN, Kittner SJ, Leira EC, Lennon O, Meschia JF, Nguyen TN, Pollak PM, Santangeli P, Sharrief AZ, Smith SC Jr, Turan TN, Williams LS. 2021 Guideline for the Prevention of Stroke in Patients With Stroke and Transient Ischemic Attack: A Guideline From the American Heart Association/American Stroke Association. Stroke. 2021 Jul;52(7):e364-e467. doi: 10.1161/STR.0000000000000375. Epub 2021 May 24.
2 Fredrickson DS. An international classification of hyperlipidemias and hyperlipoproteinemias. Ann Intern Med. 1971 Sep;75(3):471–2.
3 Simha V. Drug-Induced Dyslipidemia. In: Garg A, editor. Dyslipidemias: Pathophysiology, Evaluation and Management [Internet]. Totowa, NJ: Humana Press; 2015 [cited 2021 Jul 25]. p. 267–86. (Contemporary Endocrinology). Available from:

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