Le burnout et la résilience chez les médecins
Les facteurs de résilience protègent du burnout dans la profession médicale

Le burnout et la résilience chez les médecins

Lernen
Édition
2017/03
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2017.01371
Prim Hosp Care (fr). 2017;17(03):51-56

Affiliations
Departement für Psychosomatische Medizin, Klinik Barmelweid; Universitätsklinik für Neurologie, Inselspital Bern, und Universität Bern;
Faculty of Health Sciences, North-West University, Potchefstroom Campus, South Africa

Publié le 08.02.2017

Le burnout résultant de stress chronique sur le lieu de travail est un phénomène de plus en plus reconnu dans la société, qui a également fait son entrée dans la pratique clinique quotidienne de la médecine générale de premier recours, et qui touche directement aussi les médecins eux-mêmes. La résilience protège du burnout et peut être activement encouragée.
Au sein de la population active en Europe et aux Etats-Unis, la prévalence de burnout s’élève à env. 25% d’après des études représentatives [1–3]. Les médecins en sont même deux fois plus souvent touchés que la population active non médicale [4, 5]. Parmi les différentes disciplines, les médecins de premier recours en médecine interne générale occupent l’un des premiers rangs [4]; au cours de ces dernières années, ce groupe a affiché une augmentation considérable du burnout aux Etats-Unis [4] ainsi qu’en Suisse [6].
Au vu des vastes recherches menées sur les causes du syndrome d’épuisement professionnel (burnout) [7–9], les facteurs qui protègent contre le burnout et qui favorisent le rétablissement suite à un burnout ne bénéficient que d’une faible attention. De tels facteurs protecteurs («amortisseurs de stress») sont communément désignés par le terme «résilience» («capacité de résistance»). Promouvoir les facteurs de résilience généraux et spécifiques à la profession de médecin contribue à éviter que les médecins ne soient «consumés» par leur métier particulièrement exigeant, ou à leur permettre de retrouver le «feu sacré» après un burnout, afin de pouvoir reprendre l’exercice de leur métier en veillant à eux-mêmes, c’est-à-dire avec un engagement acceptable pour la santé. Les connaissances de base relatives aux facteurs de résilience courants dans la pratique quotidienne peuvent en outre être utilisées pour la prise en charge des patients qui se présentent avec un burnout.

Le syndrome d’épuisement professionnel, ou burnout

Vignette clinique

Monsieur B., 58 ans, a été adressé à la consultation psychosomatique par son médecin traitant en raison d’un état d’épuisement inexpliqué. A l’exception d’une légère hypertension artérielle de survenue récente, l’ensemble des examens somatiques préliminaires étaient sans particularités. A force de travail au cours de ces 20 dernières années, Monsieur B., expert-comptable de son état, était devenu chef de service et n’avait encore manqué aucun jour de travail à ce jour. Il était d›autant moins compréhensif envers son fils, qui a «plaqué» ses études il y a 1 an et se contentait depuis lors de faire des «petits boulots». Il y a 2 ans, Monsieur B. a eu une «supérieure très exigeante». S’il ne voulait pas faire d’heures supplémentaires, il était contraint de travailler «à un rythme effréné». En réalité, il avait ressenti une baisse d’énergie depuis 3 à 5 ans déjà, depuis le départ de deux collaborateurs qui n’ont pas été remplacés par souci d’économie. Il y a 6 mois, peu avant les congés de Noël, son père, dont il était très proche, a été très rapidement emporté par un cancer du poumon. Dans les semaines qui ont suivi, l’état de Monsieur B. s’est très nettement dégradé. Outre l’épuisement, il se plaint d’accès de transpiration, de vertiges, de tensions au niveau de la nuque, ainsi que de nervosité et d’irritabilité. Il a «haussé le ton» deux fois contre la secrétaire, ce qui était très inhabituel pour lui et lui a été pénible. Il dort mal et cela l’amène à ruminer. Les idées noires qu’il ressasse sont par exemple: «le travail n’est pas achevé à temps»; «que puis-je au juste encore apporter à la société?»; «que se passera-t-il si je perdrai mon emploi?». Monsieur B. réfute clairement une dépressivité et une anhédonie cliniquement pertinentes, ainsi que des idées suicidaires. A l’exception d’une épouse compréhensive et qui le soutient, aucun facteur de résilience protecteur contre le stress n’est présent. Au cours de l’année écoulée, Monsieur B. n’avait pas fait de travaux de jardinage et n’avait pas entrepris d’activités sociales ou sportives en raison de son épuisement.
Selon les critères de définition élaborés par la Deutsche Gesellschaft für Psychiatrie, Psychotherapie und Nervenheilkunde [10], Monsieur B. présente un burnout (fig. 1). Dans le rapport adressé au médecin de famille, les diagnostics CIM-10 suivants ont été mentionnés:
1 Troubles de l’adaptation avec prédominance d’une perturbation d’autres émotions (y compris angoisse, inquiétude, tension, colère, tristesse) F43.23
2 Surmenage Z73.0
3 Difficultés liées à l’emploi et au chômage Z56 et à l’entourage immédiat Z63
4 Hypertension artérielle essentielle I10
Figure 1: Le burnout comme facteur de risque pour les maladies associées dans le contexte de la vignette clinique.

Conceptualisation et définition du syndrome d’épuisement professionnel

Selon la théorie actuelle, le surmenage (Z73.0) n’est pas défini comme une maladie en soi mais comme une situation à risque de maladies psychiques et somatiques associées au stress professionnel (fig. 1). De nombreuses constellations qui sont responsables de stress professionnel et de burnout ont été décrites; les sept facteurs liés à l’emploi et sources de stress figurant dans le tableau 1 revêtent toujours une grande importance. Les questions de dépistage correspondantes peuvent être appliquées aussi bien dans l’anamnèse du patient que dans l’auto-exploration pour la profession de médecin [11]. Les tensions extra-professionnelles telles que les conflits familiaux augmentent le niveau de stress global, dans le sens où, à charge de travail égale, de nombreux symptômes de stress d’ordre psychique, cognitif et somatique fonctionnel s’installent plus précocement.
Le concept le plus fréquemment appliqué dans la pratique clinique et dans la recherche pour caractériser la situation à risque qu’est le burnout repose sur la triade symptomatique 1) épuisement émotionnel par le travail, 2) cynisme ou dépersonnalisation/aliénation au travail et 3) baisse de performance au travail ressentie subjectivement [9], qui est déterminée au moyen de l’échelle MBI (Maslach Burnout Inventory) [12]. Le tableau 2 présente les 16 items du MBI-General Survey (MBI-GS) issus d’une traduction récemment publiée [11]. Le MBI-Human Services Survey (MBI-HSS) se compose de 22 items et emploie des formulations destinées aux personnes qui travaillent avec d’autres personnes et sont exposées au surmenage en raison d’un travail relationnel émotionnel.
Tableau 1: Facteurs générateurs de stress au travail avec questions de dépistage [11].
Exigences trop élevées
Tâches à réaliser, prise de responsabilités
Votre travail demande-t-il de travailler dur?
Faites-vous des heures supplémentaires?
Êtes-vous suffisamment formé?
Trop peu de contrôle
Marge de manœuvre, mise en œuvre 
de compétences personnelles
Au travail, participez-vous aux décisions?
Pouvez-vous mettre en œuvre vos compétences?
Trop peu de récompenses
Rémunération, perspectives d’évolution 
de carrière, reconnaissance, sécurité de l’emploi
Avez-vous de bonnes chances d’obtenir 
une promotion?
Votre travail est-il reconnu par vos ­supérieurs?
Trop peu de soutien social
Soutien des collègues, comportement ­managérial des supérieurs
Vous sentez-vous bien intégré dans l’équipe?
Trouvez-vous que vos supérieurs vous ­soutiennent?
Traitement injuste
Equité sur le lieu de travail
Etes-vous injustement critiqué?
Recevez-vous suffisamment d’informations?
Conflits de valeurs
Standards éthiques, équilibre vie ­professionnelle-vie privée, attitude 
vis-à-vis des clients/patients, collaboration
Votre employeur partage-t-il vos valeurs?
Au travail, êtes-vous contraint d’accomplir des tâches contraires à vos valeurs?
Devez-vous accomplir des tâches qui 
ne font pas sens pour vous?
Traits de personnalité
«Overcommitment» (excessivement ­disposé à fournir des efforts), ­perfectionnisme, narcissisme
Travaillez-vous dans l’urgence?
Faites-vous trop de sacrifices pour le travail?
Parvenez-vous à vous couper du travail?
Vous sentez-vous obligé de tout faire de manière très précise?
Les troubles psychiques associés au burnout sont les troubles de l’adaptation, les troubles anxieux (trouble panique), l’abus de substances et la dépression. Il est important de bien distinguer le burnout de la dépression, qui ne sont pas des concepts interchangeables [11, 13]. Les principaux symptômes d’une dépression sont l’humeur dépressive et l’anhédonie, qui n’étaient pas présents chez Monsieur B. par exemple. Toutefois, le risque de dépression augmente avec le ­degré de sévérité du burnout (50% en cas de burnout sévère, 20% en cas de burnout modéré et 7% sans 
burnout) [1]. Les troubles fonctionnels (douleurs musculo-squelettiques, troubles digestifs, acouphènes) et les troubles du sommeil associés au burnout sont fréquents, et il n’est pas rare qu’ils soient la cause d’une consultation chez le médecin de famille [14]. Parmi les troubles somatiques associés au burnout figurent principalement des troubles cardio-métaboliques, y compris le surpoids, le diabète, l’hypertension artérielle, les troubles du métabolisme des lipides et les coronaropathies, mais aussi une mortalité accrue [15]. Ces corrélations sont en partie dues à des comportements défavorables pour la santé et en partie directement dues à des mécanismes autonomes, psycho-neuro-endocrinologiques et immunologiques [11, 15].
Enfin, l’épuisement et la baisse de performance peuvent être aggravés par des maladies indépendantes du burnout et associées à une fatigue (par ex. syndrome d’apnée du sommeil, insuffisance cardiaque chronique, sclérose en plaques, polyarthrite rhumatoïde, cancer, démence débutante, psychose). Naturellement, les maladies associées à une fatigue chronique doivent toujours être prises en compte dans le diagnostic différentiel d’un syndrome d’épuisement professionnel. Le diagnostic différentiel doit toujours tenir compte de différentes causes somatiques, psychiques et comportementales (par ex. manque de sommeil) [16].

Mesurer le degré de sévérité du burnout

Afin de déterminer le degré de sévérité du burnout à l’aide du MBI, les valeurs moyennes de chaque item (tab. 2) sont multipliées par un facteur 0,4 pour l’épuisement et par un facteur 0,3 pour la dépersonnalisation et la performance, puis additionnées. Une valeur totale comprise entre 1,50 et 3,49 indique une sévérité modérée, tandis qu’une valeur comprise entre 3,50 et 6,00 traduit un burnout sévère [11]. En se basant sur ces critères, une application internet disponible en ligne permet d’évaluer gratuitement et anonymement le risque de burnout [17].
Tableau 2: Maslach Burnout Inventory-General Survey [11,12]
Epuisement émotionnel
Je me sens émotionnellement vidé(e) par mon travail.
Je me sens à bout à la fin de ma journée de travail.
Je me sens fatigué(e) lorsque je me lève le matin et que 
j’ai à affronter une nouvelle journée de travail.
Travailler toute la journée représente un effort important pour moi.
Je sens que mon travail m’épuise complètement.
Dépersonnalisation
J’ai moins d’intérêt pour mon travail depuis que 
j’ai commencé cet emploi.
Je suis devenu(e) moins enthousiaste pour mon travail.
Je veux simplement faire mon travail et ne pas être dérangé(e).
Je suis devenu(e) cynique à propos du fait que mon travail puisse contribuer à quoi que ce soit.
Je doute de la valeur de mon travail.
Performance personnelle réduite
J’arrive à résoudre efficacement les problèmes qui 
se présentent à mon travail.
J’ai l’impression que j’apporte une grande contribution 
à ce poste.
Selon moi, je fais un bon travail.
Je suis de bonne humeur lorsque j’accomplis quelque 
chose au travail.
Pour ce travail, j’ai accompli beaucoup de choses ­importantes.
Au travail, je suis convaincu(e) de m’acquitter de mes 
tâches avec succès.
Degré de sévérité par item pour l’épuisement émotionnel et la dépersonnalisation: 6 = quotidiennement, 5 = plusieurs fois par semaine, 
4 = toutes les semaines, 3 = plusieurs fois par mois, 2 = tous les mois, 
1 = plusieurs fois dans l’année, 0 = jamais. Cotation inversée pour la performance personnelle, de 6 = jamais à 0 = quotidiennement.
Une auto-évaluation rapide de la probabilité pour un médecin de souffrir d’un burnout cliniquement pertinent peut être réalisée grâce aux deux questions de dépistage suivantes, issues du MBI-HSS [18]: «Je sens que mon travail m’épuise complètement» et «Je suis devenu(e) plus insensible aux gens depuis que j’ai ce travail.» Si cela est le cas au moins une fois par semaine, alors il y a une probabilité élevée qu’un épuisement émotionnel pertinent et une aliénation du travail (et des patients) soient présents.

Pourquoi le burnout est si fréquent et ne cesse d’augmenter dans la profession médicale?

Les facteurs de stress liés au travail présentés dans le tableau 1 sont également valables pour ceux exerçant la profession de médecin, mais revêtent une spécificité partielle [19]. Les exigences et les attentes par exemple sont accrues en raison d’une «illusion de possibilités infinies» liée aux avancées techniques et à l’accélération des processus de traitement. Néanmoins, la guérison nécessite du temps et il ne s’agit pas de quelque chose que l’on peut exiger; il est littéralement impossible de «consulter» plus vite durant la consultation. Les médecins ont subi une perte de statut avec une reconnaissance moindre et une plus faible rémunération (financière); dans l’opinion publique, les médecins sont passés de «demi-dieux en blouse blanche» à des facteurs de coûts et à des inducteurs de coûts. Sur le marché de la santé, la santé est proposée comme une marchandise, les médecins se sentent contraints de se vendre et de vendre leur produit, ce qui peut générer des conflits de valeurs.
Du point de vue biographique, un manquement dans les besoins psychiques fondamentaux durant l’enfance, tels que l’attachement, l’orientation, le contrôle, l’augmentation de l’estime de soi et la satisfaction des désirs/l’évitement du déplaisir, conduit à des schémas comportementaux défavorables dans la profession de médecin, avec une vulnérabilité au stress et un risque de burnout accrus [20]. Des parents anxieux-incertains et ne pouvant s’empêcher de contrôler leur enfant ou encore un besoin de contrôle et de sécurité constamment menacé dans l’enfance, en raison du comportement imprévisible d’un parent par exemple, sont autant de facteurs qui, à l’âge adulte, conduisent à un comportement de contrôle excessif, à un perfectionnisme et à une faible capacité d’adaptation. Ces «béquilles de contrôle» deviennent une contrainte à l’occasion de situations imprévisibles requérant une certaine flexibilité, comme c’est le cas pour la prise en charge de malades chroniques ou bien les situations d’urgence. L’absence précoce de compliments et de reconnaissance, ou bien une responsabilisation trop précoce (parentification), donne lieu dans la profession médicale à l’altruisme, l’hyperactivité et le dépassement de soi dans une quête de confirmation de l’estime de soi et de reconnaissance. Le modèle de ces «béquilles de l’estime de soi», basé sur l’action, ne laisse que peu de place à la réflexion et à l’assimilation, jusqu’à ce que le travail ne devienne «tout simplement trop». La mise en place de la résilience en vue de prévenir le stress et le burnout commence donc dès l’enfance, par la création d’un cadre émotionnel stable avec une satisfaction suffisante des besoins psychiques fondamentaux.

Résilience

Conceptualisation et définition de la résilience

Resilire en latin peut être traduit par «rebondir», ce qui décrit la capacité à laisser les contrariétés de la vie ricocher sur soi sans causer de dégâts et, de surcroît, de mûrir en tant que personne grâce à ces contrariétés. Bien qu’étant principalement entendue comme une capacité de résistance psychique, la résilience est également corrélée à des aptitudes physiques et modes de réaction ­favorables en situation de stress [21]. Par conséquent, la résilience peut être définie comme la capacité à se développer avec succès de manière adaptative et proactive en tant que personne malgré des situations de vie défavorables (stresseurs) et d’en sortir plus fort pour un coût ­psychologique et physiologique limité [21, 22].Ainsi, la résilience poursuit une perspective salutogène, qui vise à identifier les facteurs qui permettent de conserver la santé [23] et, dans ce cas particulier, protègent du burnout ou soutiennent le rétablissement suite à un burnout. Les personnes résilientes sont plus en mesure de surmonter les revers personnels et de gérer de manière constructive les crises professionnelles. Les médecins de premier recours présentant une bonne résilience présentent un risque de burnout diminué par rapport à leurs collègues moins résilients [24]. La résilience s’entend aussi bien comme trait de personnalité «inné» que comme un attribut modifiable, qui peut être travaillé grâce à des mesures cognitives et des modifications comportementales ciblées, y compris un style de vie plus sain [21].

Mesure de la résilience

Un instrument fréquemment employé pour mesurer la résilience en tant que ressource personnelle est l’échelle de résilience de Wagnild & Young [25], dont il existe une version courte en langue allemande [26]. Les 11 items et leur formulation sont présentés dans le tableau 3. Le lien avec une vulnérabilité accrue au stress et avec un risque accru de burnout est révélé dans les items qui font référence à l’énergie disponible, à la capacité à faire plusieurs choses en même temps, à la gestion des conflits de valeurs, à l’estime de soi et à la flexibilité.
Tableau 3: Version courte de l’échelle de résilience 
de Wagnild & Young [25, 26].
Lorsque je fais des projets, je les mène à bien.
Je me débrouille toujours d’une façon ou d’une autre.
Il est essentiel pour moi de m’intéresser à beaucoup 
de choses.
J’ai de l’admiration pour ce que je suis.
Je suis capable de gérer plusieurs choses à la fois.
Je suis déterminé(e).
Je m’intéresse à beaucoup de choses.
Je trouve facilement de quoi rire.
En temps normal, je peux envisager une situation sous ­plusieurs angles.
Je peux aussi me forcer à faire quelque chose que 
je n’ai pas véritablement envie de faire.
J’ai suffisamment d’énergie pour faire tout ce que 
je dois faire.
Dans quelle mesure ces affirmations s’appliquent-elles à vous?
«Pas du tout d’accord» =1 à «Tout à fait d’accord» = 7

Facteurs associés à une résilience élevée

Le tableau 4 présente des construits protégeant contre le stress, qui ont été bien étudiés et sont associés à une résilience élevée [23, 27–30]. Ces «amortisseurs de stress» accroissent la probabilité qu’un stress professionnel soit géré avec succès, ce qui réduit alors le risque de burnout. En outre, chez des médecins de ­famille australiens, les traits de caractère et de tempérament que sont une acceptation de soi et une persévérance élevées d’une part et une moindre non-
malfaisance d’autre part étaient associés à une résilience plus élevée [31].
Tableau 4: Facteurs liés à la résilience
ConstruitDescription
Cohérence et attribution de sens 
(sense of coherence) [23]Conviction profonde que les évènements de vie sont prévisibles et explicables, que des ressources sont disponibles pour faire face aux exigences de la vie et qu’il vaut la peine 
de s’engager pour elles.
Ténacité (hardiness) [27]Conviction profonde que la vie est contrôlable, que les activités sont intéressantes 
et importantes et que les évènements stressants sont des défis qui offrent des possibilités de maturation et de développement.
Optimisme dispositionnel [28]Tendance stable au fil du temps et généralisée à s’attendre à des évènements positifs dans la vie.
Soutien social [29]Vécu positif des contacts interpersonnels, principalement sous forme de soutien ­émotionnel (émotions positives, proximité et confiance).
Gestion efficace du stress [30]Flexibilité dans la gestion de difficultés grâce à un vaste répertoire de stratégies de coping cognitives, émotionnelles et comportementales disponibles (par ex. résolution active des problèmes dans les situations où il existe une possibilité objective de contrôler la situation, et si ce n’est pas le cas, plutôt réévaluation cognitive pour mettre fin aux émotions négatives).

Comment cultiver la résilience dans 
la profession de médecin

Dans le tableau 5 sont résumées des mesures favorisant la résilience que les médecins de premier recours utilisent et recommandent aussi pour partie à leurs collègues afin qu’ils se prémunissent contre le burnout [16, 20, 32–35]. La mise en œuvre de ces stratégies ne peut en partie pas réussir sans modification des attitudes et des comportements, et donc sans que le médecin réalise une «petite thérapie cognitivo-comportementale» avec lui-même. Des études interventionnelles réalisées à la Mayo Clinic montrent que des programmes de formation postgraduée structurés portant sur les mesures favorisant la résilience dans la pratique quotidienne, telles que des exercices de pleine conscience, la réflexion sur soi et la recherche de sens, peuvent améliorer significativement les symptômes du burnout, l’empathie, l’humeur et l’attitude vis-à-vis du travail chez les médecins de premier recours en médecine interne générale [36, 37].
Tableau 5: Recommandations pour favoriser la résilience et prévenir le burnout chez les médecins de premier recours en médecine interne générale.
Identité de médecin: Confrontation consciente aux représentations et valeurs liées à la profession de médecin afin de prévenir un surmenage sans réflexion en amont et un investissement excessif.
Attitudes favorables: Accepter ses propres limites; reconnaître les changements nécessaires; approche active et réaliste des aspects plus difficiles de la profession de médecin; évaluation positive de la relation médecin-patient et de l’activité médicale.
Professionnalisme: Echanges avec les collègues (intervision), amélioration des compétences communicationnelles (par ex. prise en charge de malades chroniques) et formation postgraduée continuelle.
Bonne organisation de la clinique ou du cabinet: Horaires de travail «raisonnables», réserver des plages horaires aux urgences, arrêt des admissions, recruter du personnel efficace et bonne gestion du personnel.
Equilibre vie professionnelle-vie privée: Planification ciblée d’une contrepartie privée aux contraintes professionnelles (vie privée satisfaisante, sport, culture, engagement associatif).
Gestion consciente du temps: Prendre du temps pour soi (hobbys, réflexion sur soi), pour la famille et pour les autres contacts sociaux. Eventuellement, inscrire les rendez-vous dans l’agenda!

Lorsque le burnout survient malgré tout

Le tableau 6 présente les mesures qui peuvent être prises lorsqu’un syndrome d’épuisement professionnel s’installe malgré des efforts en termes de prévention et des mesures de renforcement de la résilience, et que les médecins en burnout doivent envisager de faire appel à une aide professionnelle [38, 39]. Les médecins de premier recours semblent être plus touchés par le burnout que d’autres disciplines médicales, notamment en raison d’une charge de travail accrue liée aux échanges avec les assureurs-maladie, des modifications du système de santé, des incertitudes quant aux traitements médicaux et de la difficulté à concilier vie professionnelle et vie privée [5]. A ce jour, les discussions tarifaires ne tiennent pas compte de ce «risque professionnel» accru, bien qu’en Angleterre par exemple, un système d’indemnisation amélioré pour les prestations des médecins de premier recours, instauré en 2004, dans le sens d’un facteur de résilience, ait permis d’augmenter la satisfaction professionnelle et de diminuer le temps de travail hebdomadaire [40]. 
La prise en charge du burnout peut, selon le degré de sévérité des symptômes et les comorbidités, se faire en milieu ambulatoire ou stationnaire, dans un environnement multimodal [41]. Les éléments clés de la prise en charge du burnout sont la psychothérapie, une activité physique adaptée, des procédés de relaxation et la thérapie corporelle, les thérapies créatives, le traitement des maladies psychiques et somatiques associées, la pharmacothérapie, des mesures d’hygiène du sommeil et le travail social, avec des mesures préparatoires en vue de la réintégration dans le quotidien professionnel [16, 41]. Les interventions thérapeutiques cognitivo-comportementales ont permis d’améliorer l’épuisement émotionnel dans la majorité des études randomisées et contrôlées [42]. Nous avons récemment pu démontrer que 15 mois après un traitement stationnaire du burnout d’une durée de 6 semaines, les symptômes du burnout avait significativement diminué par rapport au début de la prise en charge et que la réintégration professionnelle avait pu être atteinte dans 75% des cas [43].
Tableau 6: Mesures à prendre en cas de burnout dans la profession de médecin.
S’avouer l’état d’épuisement et, le cas échéant, faire appel à une aide professionnelle.
Du coaching à la psychothérapie; plus précisément: gestion du stress, activité 
physique adaptée.
Analyse sans ménagement des facteurs de stress responsables, des liens ­biographiques, des représentations de vie «dangereuses» (par ex. «un bon médecin 
est toujours là pour ses patients») et des traits de personnalité «dangereux» ­(surestimation des capacités, perfectionnisme, narcissisme).
Identifier les changements nécessaires et les mettre en œuvre de façon conséquente 
et durable.
Prise en charge des comorbidités psychiques et physiques, des troubles du sommeil 
et des abus de substances (plus particulièrement consommation excessive d’alcool, 
de psychostimulants, de somnifères)
Cultiver la résilience: pleine conscience, prendre soin de soi, recherche de sens, ­recherche de soutien social.
Reprise en douceur, attention à ne pas retomber dans les mêmes pièges qu’avant 
le burnout.
Prévention des récidives: savoir reconnaître à temps les signes d’alerte de la réaction 
de stress individuelle et réagir à temps.

L’essentiel pour la pratique

– Si les médecins veulent améliorer leur résilience et ainsi diminuer le risque de burnout, ils doivent tout d’abord reconnaître le moment où ils sont soumis au stress et quelles sont leurs réponses au stress, aussi bien adaptatives que maladaptatives [22].
– Par l’auto-observation et des exercices simples dans la pratique quotidienne, il est possible d’identifier les réponses ­somatiques, émotionnelles, cognitives et comportementales individuelles au stress.
– Les signes d’alerte précoces du stress ne doivent pas être ignorés. Une attitude fataliste, de type «cela ira mieux bientôt», vient entraver l’accroissement des capacités et des aptitudes à gérer le stress avant qu’il ne soit «hors de contrôle».
Prof. Dr. med.
Roland von Känel
Klinik Barmelweid
CH-5017 Barmelweid
roland.vonkaenel[at]
barmelweid.ch
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