Prise en charge individualisée du cancer localisé de la prostate
Un tour d’horizon de la pratique actuelle

Prise en charge individualisée du cancer localisé de la prostate

Übersichtsartikel AIM
Édition
2017/33
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.03042
Forum Med Suisse 2017;17(33):686-692

Affiliations
Centre hospitalier universitaire vaudois, Lausanne
a Service d’urologie; b Service de radio-oncologie; c Service d’oncologie

Publié le 16.08.2017

La prise en charge du cancer de la prostate reste vivement débattue en raison d’un rapport incertain entre les bénéfices et les risques des traitements classiques de la maladie localisée. Les spécialistes y répondent par le développement de meilleurs outils diagnostiques et thérapeutiques permettant à ce jour de proposer une prise en charge adaptée au risque individuel. Cet article propose un tour d’horizon de la pratique actuelle afin que le médecin traitant soit à même d’accompagner et de répondre aux questions d’un patient diagnostiqué d’un cancer de la prostate.

Introduction

Dans une population d’hommes âgés comme en Suisse, l’incidence du cancer de la prostate (CaP) est particulièrement élevée. En l’absence de dépistage, on estime qu’un homme dès 50 ans présente un risque de plus de 40% de développer un cancer infra-clinique, de 8 à 10% de développer une maladie symptomatique et de 3% de mourir du cancer. Il faut cependant relativiser ces chiffres, sachant qu’un homme sur deux de 70 ans ou plus qui décède d’un cancer, décède d’un CaP.
Au cours de ces trente dernières années, le dépistage du CaP par la mesure de l’antigène spécifique de la prostate (PSA en anglais) a facilité une détection précoce de la maladie. Cependant, le dépistage systématique au niveau de la population masculine générale reste débattu en raison du risque de sur-diagnostic et de sur-traitement chez des patients qui présentent un cancer indolent. Dans le passé, en dehors de situations cliniques tout à fait claires, le choix d’une prise en charge était souvent subjectif entre la prostatectomie radicale, les différentes formes de radiothérapie ou même l’abstention thérapeutique. Aujourd’hui, notre meilleure compréhension du profil évolutif de la maladie, la mise à notre disposition de nouveaux outils diagnostiques et thérapeutiques font que chaque patient ayant un CaP peut être pris en charge de manière individualisée, selon des critères précis quant à la gravité de son cancer, de ses comorbidités et de ses attentes en terme de qualité de vie (préservation fonctionnelle de sa vie sexuelle, etc). Par ailleurs, le choix thérapeutique s’est élargi à la surveillance active et aux traitements ­focaux en plus des traitements classiques qui restent la prostatectomie radicale et la radiothérapie externe. Au vu de la complexité de cette maladie hétérogène, la prise en charge optimale d’un patient diagnostiqué d’un CaP devrait être discutée dans le cadre de centres reconnus incluant une équipe pluridisciplinaire certifiée composée des différentes spécialités médicales mais aussi de professionnels de la santé (infirmiers, physiothérapeutes, sexologues) dont la contribution à l’accompagnement du patient est déterminante. Dans les centres spécialisées, chaque patient est présenté lors d’un «tumorboard» préalablement à tout traitement et en cas de récidive, auquel le médecin traitant peut participer, profitant ainsi de l’expérience combinée des spécialités représentées.

La stratification moderne du risque

L’évolution vers une prise en charge personnalisée a été rendue possible essentiellement par l’introduction d’un test d’imagerie précis. Grâce à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), nous avons pu ajouter deux variables jusque là inconnues pour la stratification du risque du CaP: l’extension intra-prostatique et sa localisation. L’apport de l’IRM de la prostate est considérable pour la précision de l’itinéraire diagnostic. Son indication s’est élargie ces dernières années après la démonstration d’une bonne valeur prédictive de l’imagerie sur les résultats anatomo-pathologiques des pièces de prostatectomie radicale. Deux larges études publiées récemment ont confirmé avec un niveau d’évidence de degré 1 la performance diagnostique de l’IRM de la prostate. L’étude multicentrique PROMIS, soutenue par le «Medical Research Council» en Angleterre, a comparé les biopsies standard et l’IRM à un test de référence valide (cartographie histologique complète de la prostate) chez 576 patients présentant une suspicion clinique et/ou biologique d’un cancer localisé de la prostate. Il en ressort que l’IRM permet une sélection efficace des patients méritant une biopsie et que jusqu’à 27% de biopsies inutiles pourraient alors être évitées [1]. Une autre large étude effectuée au «National Institute of Health» aux Etats-Unis a comparé la détection d’un cancer significatif par biopsies standard aux biopsies ciblées par fusion d’images échographiques et IRM. Cette technique permet d’utiliser la détection élevée de l’IRM en couplant ces images avec l’échographie transrectale, ce qui représente la technique d’imagerie de choix pour guider les biopsies prostatiques (fig. 1). Cette étude a clairement montré que les biopsies ciblées présentent des caractéristiques diagnostiques avantageuses dans le cadre du cancer de la prostate, c’est-à-dire qu’en comparaison avec les biopsies standard, elles permettent de diminuer la détection de cancer indolent et d’augmenter la détection de cancer significatifs [2].
Figure 1: A) Image de lésion sur une coupe axiale de la prostate sur la séquence T2 (hyposignal de la zone périphérique indiquée par les flèches). B) Coupe identique, montrant une restriction sur la séquence de diffusion. C) La fusion d’images écho­graphique et IRM permet à l’opérateur de diriger les biopsies vers la cible radiologique (bleu). Source d’images: Eigen Inc., reproduction avec l’aimable autorisation.
Cependant, ces résultats viennent de centres de référence qui ont validés leur technique d’acquisition d’images et dont les images sont interprétées par des radiologues très expérimentés dans ce type d’examen. Il n’est donc pas possible de généraliser ces résultats de manière indiscriminée sachant qu’il a été bien démontré dans la littérature la sous-performance notable dans la qualité des images et dans leur lecture dans des centres moins experts, ce qui met en cause la validité externe de ces données scientifiques. D’autre part, il ne faudra pas répéter les erreurs faites dans le passé avec une dissémination incontrôlée de tests diagnostiques réservés à un certain sous-groupe de patients, raison pour laquelle il est recommandé qu’une IRM de la prostate ne soit prescrite que par un urologue suite à une évaluation clinique soigneuse et que cet examen soit effectué dans un centre compétent ayant le souci de mesurer la qualité de sa pratique.
En conclusion, l’utilisation de l’IRM dans l’itinéraire diagnostic du cancer localisé de la prostate a permis essentiellement deux révolutions:
– Premièrement, les thérapeutes disposent désormais d’un outil raisonnablement fiable pour prédire le risque réel de la maladie avec pour conséquence une probable réduction du risque de sur-traitement.
– Deuxièmement, la localisation et l’extension intra-prostatique de la maladie sont devenues des nouvelles variables qui permettent de personnaliser la stratégie thérapeutique.
En ce qui concerne l’interprétation des biopsies, le score histologique de Gleason est probablement appelé à être remplacé par le nouveau score développé par l’«International Society of Urological Pathology» (ISUP). Dans cette nouvelle classification, l’objectif est de simplifier et de faciliter la compréhension par le patient du risque de son cancer. Le score de Gleason comprend actuellement 10 catégories déterminées par les deux grades histologiques les plus représentés. Le nouveau score ISUP inclut 5 groupes allant d’un grade 1 à un grade 5. Ainsi, certains scores de Gleason ont été regroupés ensemble, par exemple le grade 5 ISUP comprend les scores Gleason 9 et 10; d’autres, ont été séparés, comme le Gleason score 7 qui devient respectivement un grade 2 (3+4=7) et grade 3 (4+3=7), et ainsi mieux refléter la biologie du CaP.
Depuis les années 2000, la recherche sur de nouveaux biomarqueurs du CaP a explosé. Différents tests sériques et génétiques ont été évalués comme marqueurs diagnostique, pronostique et/ou prédictif. A titre informatif, on peut citer les tests Prolaris® et Decipher® qui analysent des altérations génétiques liées à la biologie du CaP et sont potentiellement utiles dans la stratification du risque et la prédiction du risque de progression métastatique, respectivement. Cependant, aucun de ces tests n’est à ce jour remboursé systématiquement en Suisse. Des études cliniques solides à large échelle sont actuellement en cours pour déterminer leur utilité.

La surveillance active

La surveillance active est une option thérapeutique qui vise à retarder ou éviter la prescription d’un traitement local chez de patients ayant une maladie à faible risque évolutif, tout en préservant les chances de survie individuelle. Les patients en surveillance active sont suivis attentivement avec un contrôle clinique et une mesure du PSA tous les six mois ainsi que des biopsies de la prostate à intervalles réguliers selon les protocoles locaux. Dernièrement, les protocoles de surveillance active incluent également l’IRM de la prostate pour monitorer la maladie dans le temps et identifier l’apparition de nouvelles lésions cancéreuses. Les critères d’inclusions à cette modalité de prise en charge diffèrent légèrement selon les centres, mais la population cible est bien déterminée et définie par des patients atteints d’un CaP non palpable, d’un petit volume localisé, et en principe, de score histologique de Gleason maximal de 3+3=6.
Le succès de cette approche repose sur une bonne information vis à vis du patient pour favoriser sa compliance à cette prise en charge et atténuer l’anxiété liée au diagnostic de «cancer» qui pourrait inciter le patient à choisir immédiatement un traitement curatif. Ross et al. évaluent ce risque à 10–18% des cas, raison pour laquelle l’accompagnement du patient semble déterminant pour l’acceptation de la stratégie [3].
Les résultats de la surveillance active dans des études de cohorte sur le long terme et dans une récente étude randomisée démontrent la validité de cette prise en charge. Une étude canadienne portant sur 993 hommes avec un suivi jusqu’à 20 ans a montré que seulement 2,8% des patients développent une maladie métastatique et 1,5% décèdent de la maladie à 15 ans [4]. Une autre étude américaine incluant 1298 patients avec un suivi jusqu’à 18  ans a montré des taux encore inférieurs avec 0,1% décédés et 0,6% patients développant une maladie métastatique à 15 ans [5]. Cependant, environs 30% des patients en surveillance active bénéficient d’un traitement actif lors du suivi, permettant ainsi de contenir le risque d’évolution dans des limites raisonnables. La récente étude multicentrique randomisée anglaise PROTECT, publiée en 2016, a montré que la survie à 10 ans était identique chez les patients en surveillance active et ceux ayant bénéficiés d’un traitement actif (chirurgie ou radiothérapie) [6]. Le versant fonctionnel de l’étude PROTECT, publié en binôme, a mis en évidence l’importance d’une médecine personnalisée quant au choix de la modalité thérapeutique, les résultats fonctionnels étant variables pour chaque option. L’étude met en évidence le bénéfice de la surveillance active quant à la préservation de la fonction génito-urinaire et de la qualité de vie par rapport aux traitements conventionnels du CaP [7].
Les résultats susmentionnés sont extrapolés de séries commencées il y a environ 10–20 ans. S’il est attendu que ces résultats puissent s’améliorer d’avantage, grâce à une meilleure compréhension de la maladie et à l’adoption de l’IRM ainsi que des biopsies ciblées dans les protocoles modernes de surveillance, seul un suivi à plus long terme (≥15 ans) pourra déterminer de manière fiable les résultats oncologiques de la surveillance active, compte tenu de l’histoire naturelle de cette maladie.

La thérapie focale

Il est en définitive rare qu’un organe atteint d’une tumeur soit traité par son ablation radicale plutôt que d’exciser la lésion avec des marges de sécurité, dès lors qu’une chirurgie de préservation tissulaire est souvent possible dans la presque totalité des cancers solides. De multiples exemples existent dans la cancérologie urologique comme la néphrectomie partielle pour le cancer du rein ou l’urétérectomie distale pour le cancer de l’uretère ainsi que dans les cancers non urologiques (tumorecomie du sein, résection partielle du poumon, hépatectomie partielle, etc.).
Les traitements de préservation tissulaire ont longtemps été considérés comme inadaptés au CaP en raison d’une atteinte fréquemment multifocale. Cependant, il est clair à présent que bien que la maladie soit multifocale dans environ 60–80% des patients, une grande partie de ces patients présente seulement une lésion cancéreuse à risque évolutif avec d’autres lésions satellites de bas grade indépendantes d’un point de vue génétique. La thérapie focale vise à traiter uniquement la partie de la prostate atteinte d’une lésion significative dans le but de maintenir le bénéfice d’un traitement oncologique tout en épargnant le reste de la glande; la morbidité associée à un traitement radical est ainsi drastiquement diminuée (fig. 2).
Figure 2: (A) Lésion de la zone périphérique en séquence T2 (flèche rouge) (B) de diffusion (C) et dynamique. (D) Status post ablation de la lésion indiquée. Cette zone correspond à une zone de dévascularisation complète en séquence dynamique (flèche verte).
De multiples sources d’énergies sont disponibles sur le marché et de nouvelles sont en cours d’évaluation. Dans cet article, il vaut la peine de mentionner les trois pour lesquelles le plus de données scientifiques sont disponibles: la cryoablation, les ultrasons focalisés à haute intensité (HIFU en anglais) et la thérapie photodynamique.
La cryoablation est une technique déjà utilisée pour le traitement de cancers solides dans de nombreux organes. Il s’agit d’une destruction par le froid de la lésion cible par voie transpérinéale sous guidage par échographie transrectale. L’HIFU est également un traitement thermique avec destruction de la lésion par un effet mécanique et par échauffement. L’intervention se fait sans besoin d’incision par application d’ultrasons à haute intensité par voie transrectale. La thérapie photodynamique consiste à atteindre la lésion cible par voie transpérinéale avec une fibre laser sous guidage échographique pour activer localement un agent photo-sensibilisant cytotoxique, préalablement administré par voie intraveineuse.
Une revue de littérature récente a exhaustivement résumé les résultats des sources d’énergie utilisées pour la thérapie focale du CaP. Pour la cryoablation focale, 11 études ont été retenues pour un total de 1950 patients traités et une médiane de suivi de 26 mois. Les résultats montrent une survie globale et spécifique à 100% avec une continence urinaire et une fonction érectile préservée dans 100% et 81,5%, respectivement. En ce qui concerne l’HIFU, 13 études ont été retenues pour un total de 346 patients traités et une médiane de suivi de 12 mois. Les résultats sont similaires à la cryo­ablation en terme de survie globale et spécifique ainsi que de préservation de continence urinaire et fonction érectile avec des taux de 100%, 100%, 100% et 88,6%, respectivement [8]. En ce qui concerne la thérapie photodynamique dans le cadre du traitement focal, il existe moins de données puisque le médicament n’a été rendu disponible que dans le cadre d’essais cliniques sponsorisés par le fabricant. Cependant, une étude multicentrique européenne publiée récemment a randomisé plus de 400 patients atteints d’une maladie à bas risque en deux bras: un bras contrôle représenté par la surveillance active et un bras interventionnel représenté par la photothérapie dynamique focale. A 24 mois de suivi, 49% des participants traités focalement avaient des biopsies négatives contre 14% des participants en surveillance active. Les patients ayant bénéficié d’une thérapie photodynamique ne présentaient pas plus d’incontinence urinaire ni de dysfonction érectile sur le long terme que les patients en surveillance active [9].
En résumé, la thérapie focale représente une option thérapeutique valable pour des patients soigneusement sélectionnés. Il a déjà été démontré que la préservation des tissus avoisinants la tumeur permet de diminuer drastiquement la toxicité par rapport aux traitements classiques. Il reste à déterminer l’efficacité du contrôle oncologique sur le moyen à long terme en comparant la thérapie focale à la chirurgie et/ou la radiothérapie, ce qui est en train d’être réalisé.

La chirurgie

La prostatectomie radicale vise à une ablation de la totalité de la glande et des vésicules séminales en marges saines tout en préservant la fonction sexuelle et la continence dans la mesure du possible, selon l’extension locale de la maladie. Elle est classiquement associée à un curage ganglionnaire ilio-obturateur bilatéral, voir plus étendu vers les vaisseaux iliaques communs. L’intervention peut se faire par voie ouverte, par laparoscopie classique ou par laparoscopie robot-assistée.
La chirurgie radicale de la prostate n’est pas exempte de progrès et reste à ce jour la seule modalité thérapeutique ayant clairement montré un gain en terme de survie sur le long terme dans une étude randomisée. Elle permet l’analyse de la pièce et de l’extension lymphatique de la maladie, ce qui a une importance certaine pour la détermination du pronostic et pour maximaliser les chances de guérison totale.
Une meilleure compréhension des structures anatomiques adjacentes à la prostate a permis de développer des techniques chirurgicales de préservation nerveuse (nerve-sparing) afin de diminuer le taux de dysfonction érectile et d’incontinence urinaire (fig. 3). En effet, il a été démontré que le degré de préservation des bandelettes neuro-vasculaires est corrélé au maintien de la fonction génito-urinaire post-opératoire [10]. Quant au choix de l’approche chirurgicale optimale, malgré la récente dissémination de la chirurgie robotique, une étude australienne récente a comparé la voie ouverte à la laparoscopie robot-assistée. Celle-ci n’a pas démontré la supériorité de l’une des techniques [11]. Le succès de l’intervention est probablement directement lié à l’expertise opératoire (apprentissage de la technique, maintien de la compétence). En effet, si comme susmentionné les données scientifiques sont inconsistantes quant à la supériorité d’une voie d’abord par rapport à l’autre, il est largement vérifié que les résultats oncologiques et fonctionnels sont directement liés à l’expertise de l’opérateur. Pour cette raison, il est fortement conseillé d’orienter les patients vers des centres à haut volume, indépendamment de l’approche chirurgicale pratiquée.
Figure 3: (A) Vue de la prostate (P) avec la vessie réclinée vers le haut (V) et la symphyse pubienne antérieurement (SP). Les flèches rouges indiquent 
les bandelettes neuro-vasculaires longeant latéralement la prostate. (B) Vue après dissection de la prostate, on visualise la sonde vésicale qui marque 
la position de l’urètre, avec préservation des bandelettes bilatéralement.
Grâce à l’imagerie, une meilleure appréciation préopératoire du degré d’extension local est aujourd’hui possible. Cette intervention devient également individualisée afin de ne pas compromettre la sureté oncologique tout en offrant un maximum de chance à un bon résultat fonctionnel. En effet, le degré de préservation nerveuse et les marges de résection deviennent fonctions de l’extension locale mesurée par l’IRM et par les biopsies. L’urologue peut donc adapter la stratégie de résection selon ces variables, pour chaque patient. En cas de CaP localement avancé, le traitement multimodal combinant la chirurgie suivie d’une radiothérapie adjuvante semble d’ailleurs permettre le meilleur contrôle local de la maladie.

La radiothérapie

La radiothérapie est une des alternatives pour le traitement du cancer localisé de la prostate. Depuis longtemps, il a été démontré une bonne corrélation entre la dose d’irradiation et l’efficacité du traitement. Cependant, une irradiation trop importante des organes avoisinants peut avoir un impact considérable sur la fonction génito-urinaire et rectale. Ainsi, la précision avec laquelle l’irradiation peut être délivrée, constitue le cœur du problème. Aujourd’hui la technique d’irradiation standard des cancers prostatiques est la radiothérapie conformationnelle par modulation d’intensité (dont l’acronyme est IMRT), ou la «volumetric modulated arc therapy» (VMAT) qui est une de ses variantes la plus avancée. La technique vise à irradier la prostate sous différents angles, en adaptant en fonction le faisceau de rayon à la forme de la prostate préalablement déterminée par scanner. Sa capacité à faire épouser au volume cible la distribution de dose permet une prescription à 78 Gy qui sera généralement décomposée en 39 fractions de 2 Gy et ce au prix d’un risque modéré de toxicité. La prescription concomitante d’une hormonothérapie de déprivation androgénique reste toujours recommandée pour les cancers de risque intermédiaire et haut avec une durée de six mois et trois ans, respectivement. En effet, une hormonothérapie concomitante a démontré un bénéfice de survie non négligeable dans les cas à risque intermédiaire et haut risque [12]. De multiples essais randomisés avec suivi à long terme ont identifiés ce bénéfice et ces données ont été confirmées par une méta-analyse montrant que l’ajout de l’hormonothérapie à la radiothérapie permet une réduction de la mortalité globale de 5,5% et de la mortalité spécifique de 4,9% [13]. Les effets secondaires, potentiellement permanents, d’une castration chimique doivent cependant être pris en compte lorsque cette option est proposée.
À cette radiothérapie conventionnelle, dite «normofractionnée» il existe de nombreuses modalités alternatives. La brachythérapie ou curiethérapie consiste en l’implantation de grains intra-prostatique radioactifs avec l’objectif de délivrer une dose similaire à la radiothérapie externe sur une durée de temps plus courte. Cette modalité thérapeutique présente des résultats similaires aux traitements classiques du CaP et est validée aussi bien en cas de CaP localisé à risque intermédiaire-faible.
Une autre alternative est la radiothérapie délivrant une dose par fraction supérieure à 2,2 Gy, appelée hypofractionnée, qui présente des avantages en termes pratique avec un raccourcissement du temps global de l’irradiation mais soulèvent des questions quant à leur efficacité et leur tolérance, comme suggéré par de récents essais randomisés.
La radiochirurgie robotisée par Cyberknife® est une option qui permet un hypo-fractionnement extrême en raison d’un très haut niveau de précision spatiale dans la distribution de la dose d’irradiation. La plus large série, publiée par Katz et al. [14], incluant 304 patients traités avec une dose de 35 à 36,25 Gy délivrées en cinq fractions, a montré un excellent contrôle biochimique à 30 mois sans toxicité majeure. L’interprétation de ces études de faible niveau de preuve et de suivi médian très court ne peut cependant pas permettre de conclusion solide sans suivi à long terme mettant en évidence l’éventuelle toxicité tardive de cette modalité. Cependant, la précision de cette technique permettrait une augmentation sélective de la dose sur lésion intraprostatique visible à l’IRM et cette nouvelle stratégie fait actuellement l’objet d’études (fig. 4). En effet, il semble que suite à un traitement classique de radiothérapie, la lésion visible à l’IRM est la zone à plus haut risque de récidive; une augmentation de la dose au niveau de la lésion pourrait donc apporter un meilleur contrôle local de la maladie.
Figure 4: Radiothérapie stéréotaxique de la prostate. Cette image résume l’intensité de dose d’irradiation délivrée à la prostate et au rectum sur une coupe CT axiale dans le cadre de l’étude HYPORT (NCT02254746) se déroulant au CHUV. Des grains d’or sont positionnés dans la prostate afin de servir de repère et guider le traitement robotisé.
Le protocole inclut une irradiation classique de la prostate entière (en jaune) avec 36,25 Gy délivrés en 5 séances de 7,25 Gy avec une augmentation de dose d’irradiation sur 
la zone cancéreuse visible à l’IRM (rouge), jusqu’à 50 Gy au total.
Toutefois, malgré l’amélioration des techniques d’ir­radiation et de repositionnement, la paroi rectale ­antérieure reste un organe à risque critique dans l’irra­dia­tion aux hautes doses, étant donné son étroite contiguïté avec la capsule prostatique postérieure. Afin de réduire au maximum les effets secondaires radio-induits à ce niveau, des techniques innovantes permettent désormais d’éloigner la paroi rectale de la prostate grâce à l’injection d’une substance ou la mise en place d’un ballon recto-prostatique biodégradable.

L’essentiel pour la pratique

• Une meilleure compréhension de l’histoire naturelle du cancer de la prostate ainsi que l’adoption de l’IRM ont permis une meilleure caractérisation du cancer localisé de la prostate. Par conséquent une prise en charge individualisée peut à présent être proposée selon les caractéristiques de la maladie, du patient ainsi que de ses attentes.
• Un traitement de préservation d’organe par surveillance active ou thérapie focale semble une alternative valide pour les patients ayant une maladie à bas risque ou une lésion unique significative, respectivement. Il est possible que leurs indications s’étendent d’avantage si les études sur le long terme confirment leur efficacité.
• Les évolutions dans le domaine de la chirurgie et de la radiothérapie ont également permis de réduire leur toxicité respective et restent à ce jour des options curatives valables, selon le contexte clinique.
Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis.
Dr méd. Massimo Valerio
Centre Hospitalier Univer­sitaire Vaudois (CHUV)
Bugnon 46
CH-1011 Lausanne
Massimo.Valerio[at]chuv.ch
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