Dynamique - l'insulinothérapie d'aujourd'hui

Point fort
Édition
2024/10
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2024.1390251766
Bull Med Suisses. 2024;105(10):70-71

Affiliations
Universitätsklinik für Diabetes, Endokrinologie, Ernährungsmedizin und Metabolismus (UDEM), Inselspital, Universitätsspital und Universität Bern: a Leitende Ärztin und Leiterin , Metabolismus und Adipositas, b Assistenzärztin, Luzerner Kantonsspital, Standort Wolhusen, Innere Medizin

Publié le 11.03.2024

Qualité de vie
Les systèmes de délivrance automatisée d’insuline font partie des plus grandes avancées du traitement moderne du diabète et permettent un meilleur contrôle du glucose grâce à une administration adaptative de l’insuline. En parallèle, ils offrent aux personnes concernées plus de flexibilité et d’indépendance dans la gestion de leur maladie.
À travers le monde, plus de 500 millions de personnes souffrent de diabète [1]. Dans environ 10% des cas, il s’agit d’un diabète de type 1 (DT1). Celui-ci est dû à une destruction auto-immune des cellules bêta pancréatiques productrices d’insuline. Alors que l’insulinothérapie exogène est le principal traitement du DT1, environ 30% des personnes atteintes de diabète de type 2 (DT2) sont elles aussi traitées par insuline parce qu’elles n’en produisent pas suffisamment [2]. Du fait du DT2, l’utilisation d’insuline reste donc un pilier fondamental dans le traitement du diabète, malgré le développement de nouveaux antidiabétiques non insuliniques.
L’objectif de l’insulinothérapie est d’obtenir un bon contrôle de la glycémie sans provoquer d’hypoglycémies [3]. Cela nécessite un ajustement continu de la dose d’insuline en fonction des besoins en insuline, qui peuvent varier considérablement en fonction des repas, de l’activité physique et d’autres facteurs de stress.

Systèmes de pancréas artificiel

L’idée d’imiter artificiellement, à l’aide de méthodes techniques, la production d’insuline régulée par le glucose et adaptée aux besoins du pancréas sain est explorée depuis les années 1960. Les premiers systèmes de pancréas artificiel n’étaient pas adaptés à une utilisation ambulatoire en raison des accès vasculaires pour la perfusion continue d’insuline et la mesure du glucose.
Les premières pompes à insuline sous-cutanées ont été introduites dans les années 1980. Le développement de la mesure continue du glucose a pris plus de temps, des appareils fiables n’ayant fait leur apparition qu’après le tournant du millénaire.
Les premiers systèmes de pancréas artificiel sous-cutanés sont composés d’un capteur continu, d’une pompe à insuline et d’un algorithme de contrôle qui régule l’administration d’insuline en fonction du glucose (figure 1). Ces systèmes ont été évalués pour la première fois en 2012 dans le cadre d’études cliniques contrôlées.
En 2016, le premier système de pancréas artificiel pour le traitement du DT1 a été approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) américaine. Peu après, l’autorisation a été accordée en Europe et, dans les années suivantes, plusieurs systèmes de pancréas artificiel ont été autorisés et commercialisés pour le traitement du DT1.
Figure 1: Représentation schématique d’un système de DAI.

Systèmes de délivrance automatisée d’insuline autorisés

Le pancréas artificiel, également appelé système de délivrance automatisée d’insuline (DAI), est considéré comme un dispositif médical de classe III selon le nouveau règlement européen relatif aux dispositifs médicaux. En Suisse, quatre systèmes de DAI de ce type peuvent actuellement être utilisés pour le traitement du DT1 (tableau 1).
Systèmes de dosage automatique de l'insuline autorisés en Suisse.
Les systèmes se distinguent par différents aspects: l’algorithme de contrôle, les systèmes de pompe et de capteur compatibles, ainsi que les spécifications d’autorisation (limite d’âge, utilisation pendant la grossesse, formulations d’insuline compatibles, etc.). De plus, un système de DAI avec une pompe sans tubulure (Omnipod® 5) sera bientôt commercialisé.

Efficacité clinique

L’efficacité clinique des systèmes de DAI a été évaluée principalement au moyen de critères glycémiques (HbA1c et temps passé avec des valeurs de glucose mesurées par capteur dans la plage cible), dans des populations adultes et pédiatriques. Par rapport aux traitements par pompe basés sur un capteur sans DAI, les systèmes de DAI étudiés ont amélioré d’environ 10 points de pourcentage (c’est-à-dire 2,5 heures par jour) le temps passé avec des valeurs de glucose mesurées par capteur dans la plage cible de 3,9–10,0 mmol/L [4, 5].
Cette amélioration du temps passé dans la plage cible était plus marquée la nuit que le jour, car il n’y a pas de fluctuations de la glycémie dues à l’activité physique ou aux repas pendant la nuit. Elle correspondait à une réduction moyenne de l’HbA1c d’environ 0,3 point de pourcentage.
Le temps passé avec des valeurs hypoglycémiques est resté inchangé ou a diminué, en fonction du fardeau hypoglycémique au début du traitement. L’utilisation de systèmes de DAI s’est également révélée sûre, des évènements graves tels que des hypoglycémies de niveau III ou des acidocétoses diabétiques n’étant pas survenus plus fréquemment qu’avec le traitement de comparaison. Outre le meilleur contrôle du glucose, les systèmes de DAI se sont avérés supérieurs en ce qui concerne les critères psychosociaux suivants: diminution de la peur des hypoglycémies, plus grande satisfaction vis-à-vis du traitement, ainsi qu’augmentation de l’autonomie et de la flexibilité dans la vie quotidienne [6].

Défis dans la pratique

Les systèmes de DAI actuellement disponibles ne sont pas encore autorisés en tant que systèmes entièrement automatisés, mais exigent une collaboration active des utilisatrices et utilisateurs pour le dosage de l’insuline en fonction des repas. Le temps d’absorption lors de l’application sous-cutanée de l’insuline ne permet actuellement un contrôle satisfaisant du glucose postprandial que par le biais d’une assistance manuelle.
Avec une absorption dans le sang plus rapide de 8–12 minutes seulement, les nouvelles formulations d’insuline ultra-rapide n’ont pas encore permis de modifier les pratiques. Les systèmes de capteurs de glucose doivent eux aussi encore être optimisés. Bien que la précision se soit améliorée au cours des dernières années, une mesure sporadique dans le sang capillaire vaut toujours la peine. Les premiers kits de perfusion portables à long terme (7 jours) ont été introduits récemment. Les problèmes cutanés (avant tout irritations) concernent encore de nombreuses personnes dans la pratique clinique quotidienne.
S’y ajoutent des désagréments tels que le fait de dépendre de plusieurs appareils, les alarmes fréquentes de ces appareils, le besoin important de consommables et les dépendances qui en découlent. Ces facteurs peuvent nuire à la satisfaction vis-à-vis du traitement. Le plus grand défi dans la pratique clinique, tant pour les patientes et patients que pour les professionnels qui les suivent, est le manque d’interopérabilité entre les appareils et les systèmes logiciels. Le partage et la consultation des données s’avèrent être des tâches complexes. Actuellement, au moins 3–5 applications logicielles différentes sont nécessaires pour évaluer les paramètres du système de DAI. L’absence d’incitations à la convergence pour les fabricants et l’inexistence de réglementations ne permettent pas d’envisager une amélioration à court terme.

Systèmes de DAI «do-it-yourself»

En plus des systèmes autorisés commercialisés, des technophiles ont commencé ces dernières années à développer eux-mêmes des systèmes de DAI. Ces systèmes utilisent des capteurs de glucose et des pompes à insuline disponibles dans le commerce, ainsi que des algorithmes de contrôle «faits maison» et disponibles librement sur internet. Bien que de tels systèmes de DAI «do-it-yourself» aient entre-temps aussi été évalués dans le cadre d’études randomisées contrôlées et aient obtenu de bons résultats [7], l’absence d’évaluation de sécurité officielle est problématique sur le plan juridique. Un jalon a toutefois été franchi avec la première autorisation réglementaire par la FDA d’une application DIY de DAI (Tidepool) en janvier 2023.

Innovations prometteuses

Le perfectionnement des algorithmes en intégrant d’autres signaux de capteurs relatifs au sport et à l’alimentation via les montres intelligentes, l’utilisation de l’intelligence artificielle pour personnaliser les algorithmes ainsi que la miniaturisation des appareils sont au centre des priorités d’un point de vue technologique. Sur le plan pharmacologique, l’utilisation ciblée de traitements adjuvants par inhibiteurs de SGLT2 et/ou médicaments à base d’incrétines peut optimiser encore davantage le contrôle du glucose et offrir un bénéfice supplémentaire en termes de santé cardiovasculaire, métabolique et rénale.
Prof. Dr méd. Dr phil. Lia Bally est médecin adjointe et responsable Nutrition, Métabolisme et Obésité à la Clinique universitaire de diabétologie, endocrinologie, médecine de la nutrition et métabolisme (UDEM), à l’Hôpital universitaire de Berne
Dr méd. Dr phil. Vera Lehmann est médecin-assistante à la Clinique universitaire de diabétologie, endocrinologie, médecine de la nutrition et métabolisme (UDEM), à l’Hôpital universitaire de Berne ; et à l'Hôpital cantonal de Lucerne, médecine interne, site de Wolhusen
Lia.Bally[at]insel.ch
1 I. D. Federation, "IDF Diabetes Atlas, 10th edn. Brussels," 2022. [Online]. Available: https://www.diabetesatlas.org.
2 N. A. ElSayed et al., "2. Classification and Diagnosis of Diabetes: Standards of Care in Diabetes—2023," Diabetes Care, vol. 46, no. Supplement_1, pp. S19-S40, 2022, doi: 10.2337/dc23-S002.
3 N. A. ElSayed et al., "6. Glycemic Targets: Standards of Care in Diabetes—2023," Diabetes Care, vol. 46, no. Supplement_1, pp. S97-S110, 2022, doi: 10.2337/dc23-S006.
4 C. K. Boughton and R. Hovorka, "New closed-loop insulin systems," Diabetologia, vol. 64, no. 5, pp. 1007-1015, 2021/05/01 2021, doi: 10.1007/s00125-021-05391-w.
5 M. Phillip et al., "Consensus Recommendations for the Use of Automated Insulin Delivery Technologies in Clinical Practice," Endocrine Reviews, p. bnac022, 2022, doi: 10.1210/endrev/bnac022.
6 C. Farrington, "Psychosocial impacts of hybrid closed-loop systems in the management of diabetes: a review," (in eng), Diabet Med, vol. 35, no. 4, pp. 436-449, Apr 2018, doi: 10.1111/dme.13567.
7 M. J. Burnside et al., "Open-Source Automated Insulin Delivery in Type 1 Diabetes," New England Journal of Medicine, vol. 387, no. 10, pp. 869-881, 2022, doi: 10.1056/NEJMoa2203913.

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