Évaluer régulièrement la formation postgraduée, un gage de qualité

Évaluer régulièrement la formation postgraduée, un gage de qualité

ISFM
Édition
2024/08
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2024.1377242067
Bull Med Suisses. 2024;105(08):24-26

Affiliations
a MA, collaboratrice scientifique, Consumer Behavior ETH Zurich
b Dre, Senior Researcher, Consumer Behavior ETH Zurich
c Dre méd., p.-d. et MME, présidente de l’ISFM
d Dr, 2e vice-président, Chambre médicale autrichienne
e Dr en droit, président de la fédération des médecins salariés, Chambre médicale autrichienne
f Dr, président de la commission formation, Chambre médicale autrichienne
g Prof. phil., professeur Consumer Behavior, ETH Zurich

Publié le 21.02.2024

Comparaison
En 2023, la Suisse et l’Autriche ont utilisé le même outil pour évaluer la qualité de la formation postgraduée médicale. Le présent article compare les résultats obtenus dans ces deux pays sur la base de questions choisies. Il en ressort qu’une évaluation régulière de la formation postgraduée s’avère être une stratégie payante.
Cela fait 20 ans que la qualité de la formation postgraduée est évaluée chaque année en Suisse au moyen d’une enquête écrite [1–3]. Le questionnaire utilisé porte sur la formation postgraduée et donc aussi sur les conditions de travail. Le but de cette enquête est de donner un feed-back annuel aux responsables d’établissements de formation sur la manière dont les médecins-assistantes et assistants évaluent la qualité de la formation. Les résultats leur permettent ainsi d’initier des mesures pour améliorer la formation. En 2023, l’Autriche a réalisé sa première évaluation nationale en envoyant le questionnaire utilisé en Suisse à tous les médecins en formation [4,5]. Contrairement à la Suisse, l’Autriche qualifie de «formation», et pas de «formation postgraduée», la période située entre la fin des études de médecine et l’obtention du titre de spécialiste.

Questionnaire et méthodologie

La qualité de la formation postgraduée est évaluée à l’aide de 57 questions incluant les aspects suivants: évaluation globale, compétences professionnelles, culture d’apprentissage, type de management, culture d’entreprise, prise de décision, culture de l’erreur et médecine fondée sur les preuves. Les réponses sont données sur une échelle de 1 = pas du tout d’accord à 6 = tout à fait d’accord. Les personnes responsables des établissements de formation remettent le questionnaire aux médecins en formation qui le renvoient ensuite à titre personnel et de manière anonyme à l’ETH de Zurich au moyen d’une enveloppe-réponse. En 2023, 9683 personnes en formation postgraduée en Suisse (taux de réponse: 71%) ont renvoyé le questionnaire contre 3976 (taux de réponse: 44%) en Autriche. Le taux élevé de réponse obtenu en Autriche pour une première enquête a agréablement surpris toutes les personnes impliquées.

Résultats

De manière générale, il apparaît que la formation postgraduée a été mieux notée en Suisse qu’en Autriche (cf. figure 1). Cela se reflète notamment dans la valeur moyenne pondérée (A: 4,49; CH: 4,89). La valeur moyenne pondérée de toutes les dimensions se calcule comme suit: valeur moyenne de (2 x appréciation globale, 2 x compétences professionnelles, culture d’apprentissage, type de management, culture de l’erreur, culture d’entreprise, médecine fondée sur les preuves). La différence entre les deux pays est particulièrement marquée en ce qui concerne la médecine fondée sur les preuves où la Suisse a obtenu de bien meilleurs résultats (A: 3,67; CH: 4,48).
Figure 1: Comparaison entre l’Autriche et la Suisse – 8 dimensions et la valeur moyenne pondérée. Représentation des valeurs moyennes y c. 95% d’intervalle de confiance. L’échelle va de 1 (valeur minimale) à 6 (valeur maximale).
Si l’on considère la valeur moyenne pondérée des 6 principales disciplines en Suisse et en Autriche, on obtient des conclusions intéressantes (cf. figure 2). Certaines disciplines parviennent à des résultats quasiment identiques en Suisse et en Autriche. Ainsi, la valeur moyenne pondérée obtenue en Autriche pour la discipline «chirurgie générale, viscérale et vasculaire» (4,59) est égale à celle de la chirurgie en Suisse. Les valeurs sont quasiment les mêmes en Autriche et en Suisse pour l’anesthésiologie et médecine intensive (anesthésiologie en Suisse) et la pédiatrie. Dans certaines spécialités, on observe toutefois de nettes différences entre les deux pays.
Figure 2: Comparaison entre l’Autriche et la Suisse – valeur moyenne pondérée des 6 principales disciplines. Représentation des valeurs moyennes y c. 95% d’intervalle de confiance. L’échelle va de 1 (valeur minimale) à 6 (valeur maximale).
La figure 3 donne une image positive des deux pays. La majeure partie des établissements de formation postgraduée obtient une valeur moyenne pondérée supérieure à 3,5 (suffisant). La majorité des établissements de formation postgraduée en Suisse a même été crédité d’une appréciation globale entre 5 et 6. Environ la moitié des établissements de formation postgraduée en Autriche a obtenu une évaluation globale entre 4,5 et 5,5.
Figure 3: Répartition de la valeur moyenne pondérée en Autriche et en Suisse. Unité d’évaluation: établissements de formation postgraduée (A: n=927, CH: n=1297).

Discussion

La comparaison entre les deux pays montre que la formation postgraduée est globalement mieux notée en Suisse qu’en Autriche. La différence est particulièrement marquée en ce qui concerne la médecine fondée sur les preuves. Il est néanmoins intéressant de constater que l’évaluation de certaines spécialités est identique dans les deux pays. Les différences structurelles en matière de formation postgraduée ne semblent donc pas expliquer à elles seules les différences observées. Cela pourrait être un indice qu’il reste encore un potentiel d’amélioration à exploiter en Autriche. Dans ce contexte, nous en concluons qu’une évaluation régulière de la formation en Autriche pourrait conduire à des améliorations et permettre de combler l’écart avec la Suisse.
Le questionnaire s’avère être un outil qui a fait ses preuves en Suisse et avec lequel on obtient des résultats fiables et pertinents pour la qualité de la formation postgraduée. En Autriche aussi, la première enquête a été un succès. Le questionnaire est un instrument efficace pour améliorer et maintenir la qualité de la formation postgraduée à un niveau élevé. Il permet aussi d’identifier les établissements de formation confrontés à des difficultés en termes de qualité, mais les résultats obtenus sont surtout aussi des incitatifs pour mettre en place des mesures d’amélioration.
Cet article est publié conjointement dans le Bulletin des médecins suisses et dans la Österreichischen Ärztezeitung (ÖÄZ).
Commentaire

Un pilier de la qualité

Si l’enquête annuelle réalisée depuis plus de vingt ans en Suisse offre aux médecins en formation la possibilité d’évaluer leur formation, elle est aussi un pilier du contrôle et de la garantie de la qualité. Les résultats de ce processus réalisé en toute transparence donnent aux responsables d’établissements des indications sur la manière de remplir au mieux leur mission. Ils permettent aussi d’identifier les établissements dans lesquels la qualité de la formation dispensée est insuffisante. Publiés sur le site internet de l’ISFM, ils revêtent aussi un intérêt particulier pour les médecins en formation qui s’en servent pour planifier leur carrière. Les établissements de formation ayant obtenu d’excellentes évaluations ont nettement moins de difficultés à recruter, surtout par les temps qui courent.
Dre méd. Monika Brodmann Maeder, présidente de l’ISFM
Commentaire

Prendre la formation au sérieux

Plus de 44% des médecins qui effectuent des tournus de formation ont participé à l’évaluation de la formation médicale en Autriche, réalisée pour la première fois en 2023 selon le modèle helvétique. Le taux de réponse est trois fois plus élevé que lors des habituelles enquêtes en ligne; c’est très réjouissant. Cet excellent résultat a été obtenu grâce à la collaboration avec l’ETH de Zurich et l’ISFM. Pour la prochaine enquête, nous visons même un taux de réponse de 50%. Qu’il s’agisse de la Suisse ou de l’Autriche, la formation des médecins est cruciale pour assurer la qualité des soins. Il est donc très important de procéder à une évaluation régulière de la formation pour en garantir la qualité élevée et la maintenir durablement. En effet, ce n’est que si les médecins prennent la formation au sérieux que la politique suivra.
Dr Harald Mayer, vice-président de la Chambre médicale autrichienne
michael.siegrist[at]hest.ethz.ch
1 Luchsinger L, Berthold A, Brodmann Maeder M, Giger M, Bauer W, & Siegrist M. A questionnaire for quality control in postgraduate medical education in Switzerland. Medical Teacher. 2023;45(9):1012-1018.
2 Giger M, Siegrist M. Ein neuer Fragebogen zur Beurteilung der Weiterbildungsstätten–was soll das?. Schweizerische Ärztezeitung. 2003a;84:nr 31.
3 Giger M, Siegrist M. Ärztliche Weiterbildung auf dem Prüfstand. Schweizerische Ärztezeitung. 2003b;84(50):2655–2657.
4 Medwedeff T. Dringend handeln. Österreichische Ärztezeitung. 2023;18:10-12.
5 Medwedeff T. BKAÄ: Ausbildungsevaluierung – Eine Frage der Ausbildung. Österreichische Ärztezeitung. 2023;10.

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