Dépistage
8900 Genevois ont intégré le programme cantonal de dépistage du cancer colorectal en 2023. Cependant, ce cancer touche encore trop de personnes. La campagne internationale «Mars bleu» vise à sensibiliser la population et les professionnels de santé. Gros plan sur les actions menées à Genève.
Mardi 12 mars, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) invitaient le public, dans le cadre de la campagne «Mars bleu», à visiter la maquette d’un côlon géant. La visite commence par un côlon sain puis, au fur et à mesure de son avancée, le visiteur découvre un côlon présentant des polypes qui évoluent en cellules cancéreuses. Sur place, des représentants de la Fondation genevoise pour le dépistage du cancer (FGDC) et de la Ligue genevoise contre le cancer renseignent les visiteurs. Les maîtres mots: encourager les personnes âgées de 50 à 69 ans à se faire dépister. Onze jours plus tôt, le 1er mars, à la tombée de la nuit, les Services industriels de Genève illuminaient le jet d’eau en bleu, et la ville pavoisait le pont du Mont-Blanc avec des drapeaux «Mars bleu».
À l’occasion de la campagne «Mars bleu», l e public a pu visiter la maquette d’un côlon géant aux Hôpitaux universitaires de Genève.
© Ligue suisse contre le cancer / Stefan Kubli
Si la fin justifie les moyens mis en œuvre par les acteurs institutionnels, ces actions sont d’autant plus nécessaires qu’environ 4500 nouveaux cas de cancer colorectal et près de 1700 décès sont enregistrés chaque année selon la Ligue suisse contre le cancer [1]. Interrogée par le BMS, Evelyne Fournier, épidémiologiste au Registre genevois des tumeurs de l’Université de Genève, détaille que de 2016 à 2020, à Genève, «le cancer colorectal a affecté annuellement près de 292 individus, ce qui correspond à un taux d’incidence annuel brut de 47 pour 100 000 habitants [2]. Durant cette même période, il a été responsable du décès de 99 personnes chaque année, soit un taux de mortalité annuel brut de 16 pour 100 000 habitants [3].»

Un programme cantonal

Le taux d’incidence augmentant de fait avec l’âge, le cancer colorectal constitue un problème de santé publique. Force est de constater que Genève n’échappe pas au vieillissement démographique. Selon les statistiques cantonales, les 65 ans ou plus devraient représenter 21% de la population en 2040, contre 16,6% fin 2022 [3]. Cependant, les spécialistes s’accordent à dire que ces cancers se soignent bien s’ils sont diagnostiqués suffisamment tôt. Raison pour laquelle Genève a lancé en 2019 son programme cantonal [4].
Pour anticiper ce changement populationnel et faire baisser la mortalité, «la Confédération a émis en 2013 une ordonnance pour un remboursement des tests de dépistage dans le cadre de l’assurance de base», indique la Dre méd. Béatrice Arzel, spécialiste en santé publique et directrice de la FGDC. Et d’ajouter que «dans le cadre d’un programme de dépistage cantonal, l’ordonnance LAMal précise que la consultation chez le médecin généraliste, la recherche de sang dans les selles et la coloscopie sont prises en charge hors franchise pour les résidents». Une mesure d’incitation économique au dépistage que les médecins de famille et les pharmaciens doivent mettre en avant lors des consultations pour accélérer l’inclusion des patients, souligne la Dre Arzel.
Quatre années après le début du programme genevois, l’heure est au bilan: «120 000 personnes, issues de la population cible, ont été invitées à se rendre chez leur médecin de famille ou leur pharmacien pour s’informer, intégrer le programme et diminuer les cas de cancer.» Quant aux médecins, et pour simplifier les démarches, une ligne téléphonique dédiée a été mise en place pour qu’ils puissent appeler la FGDC, en présence de leurs patients, et ainsi faciliter le processus d’inclusion.
D’autres campagnes de communication à destination du corps médical et du public ont été introduites. Au total, en 2023, 8900 personnes ont été incluses dans le programme. Les données recueillies par les plans d’action cantonaux permettront d’établir des évaluations épidémiologiques à l’échelle du territoire suisse. La première évaluation genevoise étant «prévue pour 2025», confie Béatrice Arzel.
À noter qu’au niveau national, «la majorité des cantons disposent d’un programme de dépistage proposant le dépistage par les selles ou par la coloscopie, voire les deux, et nous travaillons à des monitorings de nos programmes assurant la qualité de ces derniers», conclut-elle.

Nouveautés en oncologie

Pour les professionnels de santé, en ce 12 mars, une demi-journée scientifique était consacrée aux nouveautés médicales. Parmi les intervenants, le Dr méd. Thibaud Kössler, médecin adjoint responsable d’unité au service d’oncologie des HUG, annonce, entres autres, des changements importants en matière de surveillance. La Société Suisse de Gastroentérologie introduit de nouvelles recommandations, dont «un suivi spécifique pour les cancers du côlon et séparément pour les cancers du rectum», souligne-t-il.
Autre nouveauté: une surveillance spécifique pour «le watch and wait» concernant les cancers du rectum. Cette stratégie est destinée aux patients ayant une «réponse clinique complète et elle requiert une surveillance très rapprochée», ajoute le Dr Kössler. Questionné sur les perspectives en termes de dépistage, Thibaud Kössler explique que depuis 2021, aux États-Unis, «l’U.S. Preventive Services Task Force a abaissé l’âge du dépistage à 45 ans pour l’ensemble de la population au vu de l’augmentation de l’incidence du cancer colorectal chez les patients de moins de 50 ans». La Suisse devra-t-elle suivre la même approche?

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