Résultats fonctionnels après un traitement focal pour un cancer de la prostate localisé

Point fort
Édition
2024/06
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2024.1367568560
Bull Med Suisses. 2024;105(06):68-69

Publié le 07.02.2024

Cancer de la prostate
Le traitement du cancer de la prostate localisé par des thérapies focales suscite un intérêt croissant et fait l’objet de publications de plus en plus nombreuses en raison des résultats fonctionnels positifs, mais la plupart des données proviennent d’études non comparatives, monocentriques ou rétrospectives utilisant différentes méthodes de traitement et des définitions variables des résultats. Cette forme de traitement n’est donc pas encore totalement préconisée dans les lignes directrices actuelles, mais elle est de plus en plus utilisée dans la pratique clinique.
La thérapie focale du cancer de la prostate localisé est un traitement mini-invasif qui, contrairement aux traitements standard tels que la prostatectomie radicale, la radiothérapie percutanée ou la curiethérapie, suit le concept de traitement partiel. Cela signifie que seule la région cancéreuse de la prostate est traitée. Des foyers cancéreux isolés ou plusieurs foyers cancéreux contigus sont ainsi traités de manière ciblée. L’objectif est la guérison, sachant que la multifocalité et l’hétérogénéité du cancer de la prostate constituent un défi. Pour cette raison, le traitement est possible uniquement après des examens diagnostiques exhaustifs et seulement en cas de cancer localisé. De plus, des biopsies de contrôle, comme dans le cadre d’une surveillance active, sont nécessaires après le traitement [1].
Le traitement focal est de plus en plus utilisé en clinique pour le carcinome prostatique localisé, malgré des preuves en partie insuffisantes.
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Bien que les traitements standard soient extrêmement efficaces d’un point de vue oncologique, ils entraînent souvent des effets indésirables avec une détérioration de la fonction érectile et/ou de la continence urinaire, qui affectent la qualité de vie [2, 3]. Par conséquent, il existe un intérêt croissant pour les traitements partiels, afin de minimiser les dommages aux structures anatomiques responsables de la continence et de la fonction érectile.

La thérapie focale, axée sur la destruction ciblée du tissu cancéreux dans la prostate, est fortement influencée par l’anatomie de la prostate et des structures environnantes.

Principes de la thérapie focale

La thérapie focale, axée sur la destruction ciblée du tissu cancéreux dans la prostate, est fortement influencée par l’anatomie de la prostate et des structures environnantes. Les faisceaux neurovasculaires jouant un rôle crucial dans la fonction érectile longent le bord postéro-latéral de la prostate. Le rhabdosphincter et les muscles lisses environnants, qui s’étendent du col de la vessie à l’urètre membraneux, jouent un rôle clé dans la continence. En règle générale, plus les tissus traités dans ces zones sont nombreux, plus le risque de séquelles est élevé. Il faut donc être particulièrement prudent dans la zone de l’apex de la prostate pour éviter d’endommager le sphincter externe et le rectum [4, 5]. Il existe un risque accru de fistule entre le rectum et l’urètre, notamment en cas de traitement de sauvetage ou de cancer situé dans la partie postérieure de la prostate [6].
Bien que la thérapie focale vise à obtenir des résultats fonctionnels optimaux, elle soulève des préoccupations oncologiques en raison de la nature multifocale du cancer de la prostate, environ 80% des patients présentant plusieurs foyers cancéreux [7]. Néanmoins, les résultats à long terme, y compris la survie sans métastases, la survie sans progression et la survie spécifique au cancer, sont prometteurs. Les ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) constituent la source d’énergie la plus souvent utilisée et montrent des résultats encourageants en Europe. Avec cette technique, des études font état d’une absence de cellules cancéreuses dans les biopsies chez 81% [8] et 73% [9] des patients après respectivement 12 et 30 mois. En outre, une absence de traitement radical ou systémique, de métastases et de mortalité liée au cancer s’observe chez 99% des patients après un an, 92% après trois ans et 88% après cinq ans [10]. Des résultats positifs similaires sont rapportés dans les études sur la cryothérapie, avec une survie spécifique au cancer et sans métastases de 100% après trois à cinq ans [11-13] et un taux d’absence de traitement systémique à dix ans de 65% [14].

Effets sur la fonction érectile

Une revue systématique récemment publiée [15] a évalué l’impact de la thérapie focale sur la fonction érectile. Au total, 42 études impliquant 1 317 patients ont été incluses, parmi lesquels 70% ont indiqué une puissance sexuelle satisfaisante avec une capacité de pénétration avant l’intervention. La méthode de traitement la plus utilisée était l’HIFU, employée dans 45% des cas, suivie de la cryoablation (21%). La thérapie photodynamique et l’électroporation irréversible ont été les moins utilisées. Les auteurs ont constaté une diminution de la fonction érectile après trois mois pour toutes les méthodes et tous les schémas de traitement, mais celle-ci s’était le plus souvent rétablie après six et douze mois. Aucune différence significative n’a été constatée entre les différentes sources d’énergie. Les données sont toutefois limitées en raison d’incohérences dans la mesure des résultats, des différents niveaux initiaux de puissance sexuelle, de l’utilisation d’inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 comme le sildénafil ou des taux élevés d’abandon pour les questionnaires postopératoires [16, 17].

Par rapport aux traitements standard intéressant l’ensemble de la prostate, la thérapie focale présente un net avantage en termes de préservation de la fonction érectile.

Par rapport aux traitements standard intéressant l’ensemble de la prostate, la thérapie focale présente un net avantage en termes de préservation de la fonction érectile [18]. Une étude multicentrique a montré un taux de dysfonction érectile de respectivement 65%, 63% et 57% deux ans après une prostatectomie radicale, une radiothérapie ou une curiethérapie [19].

Effets sur la continence urinaire

Les données disponibles sur l’incontinence urinaire après une thérapie focale proviennent majoritairement d’études monocentriques ou rétrospectives et sont également de qualité limitée. Une méta-analyse [20] a examiné 72 études portant sur différentes sources d’énergie. Celles-ci ont montré des taux de continence sans protections urinaires de plus de 95% pour toutes les sources d’énergie.
En général, la thérapie focale entraîne une bien meilleure préservation de la continence urinaire. Selon l’étude ProtecT [12], 18% à 24% des patients ont eu besoin de porter des protections après une prostatectomie, contre 9% à 11% dans le groupe de surveillance active et 3% à 8% dans le groupe de radiothérapie. De plus, la radiothérapie provoque souvent des symptômes urinaires irritatifs nécessitant la prise d’alpha-bloquants [22, 23].

Bien que la fonction érectile diminue initialement après le traitement, la plupart des patients retrouvent leur fonction initiale.

La plupart des patients récupèrent naturellement leur continence après une thérapie focale, bien que certains puissent avoir besoin d’une rééducation du plancher pelvien. Aucun cas ayant nécessité un sphincter urinaire artificiel ou d’autres procédures invasives n’a été rapporté [6].

Conclusion

Les études récentes montrent que les méthodes de thérapie focale telles que l’HIFU pour le cancer de la prostate localisé réduisent significativement le risque de nouvelle dysfonction érectile après le traitement par rapport aux traitements de la glande entière tels que la prostatectomie radicale ou la radiothérapie percutanée, et une incontinence urinaire est rarement observée (protections urinaires non nécessaires dans 95% à 100% des cas, absence de gouttes retardataires dans 83% à 100% des cas). Bien que la fonction érectile diminue initialement après le traitement, la plupart des patients retrouvent leur fonction initiale. Malgré ces avantages, la thérapie focale comporte le risque d’un moins bon contrôle oncologique, ce qui ne semble toutefois pas augmenter la mortalité dans les cancers de la prostate à faible risque, compte tenu de la longue évolution naturelle de la maladie et des traitements de sauvetage disponibles.
Prof. Dr. Dr. méd. Daniel Eberli est directeur de la clinique d'urologie de l'Hôpital universitaire de Zurich depuis 2022
Dr. méd. Basil Kaufmann est spécialiste en urologie, FEBU, travaille depuis 2017 à l'Hôpital universitaire de Zurich. Séjour de recherche actuel à la clinique Mount Sinai, New York
Daniel.Eberli[@]usz.ch
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11 Shah TT, Peters M, Eldred-Evans D, et al. Early-Medium-Term Outcomes of Primary Focal Cryotherapy to Treat Nonmetastatic Clinically Significant Prostate Cancer from a Prospective Multicentre Registry. Eur Urol. 2019;76:98.
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22 Faris S, Kaufman M. LUTS After Radiotherapy for Prostate Cancer: Evaluation and Treatment. Current Bladder Dysfunction Reports. 2015;10:150.
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