Primary and
hospital care
Communauté

À propos des médicaments humoristiques

Le mot de la fin
Communauté
Édition
2024/05
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2024.1345924639
Bull Med Suisses. 2024;105(05):66

Publié le 31.01.2024

Eberhard Wolff Prof. Dr rer. soc., rédacteur culture, histoire et société
Eh oui, vous avez bien lu! On traitera ici des faux médicaments à vocation humoristique que l’on trouve dans les boutiques cadeaux des zones piétonnes ou sur Internet [1]. Ils ressemblent à s’y méprendre à de vraies boîtes de médicaments, mais, comme l’indiquent leurs noms «pilules bonne note», «gouttes anti-shopping», «dragées de mariage» ou encore «vaccin à sucrer», les maux soignés sont des plus insolites. Il s’agit en réalité de sucreries, qui se présentent sous une forme pharmaceutique.
Cadeaux à éviter pour la «Journée mondiale du malade», on les offrira plutôt à l’occasion d’une invitation pour l’ouverture d’un cabinet médical par exemple, ou pour plonger le destinataire dans l’embarras et pimenter la fête d’un peu d’humour à un degré acceptable. Après quoi, ils tombent généralement dans l’oubli. Mon collègue en a reçu une boîte au «Secret Santa».
Cependant, considérer la pharmacie humoristique comme un phénomène sans intérêt voire agaçant est très réducteur. En effet, elle apporte un regard inhabituel sur la médecine, notamment sur son aspect visuel.

Par son imitation parodique, la pharmacie humoristique montre «l’iconicité» des boîtes de médicaments.

Par leur imitation parodique, on considère dès le premier coup d’œil les boîtes de comprimés humoristiques comme des médicaments. C’est ce qu’on appelle «l’iconicité». Le design se veut discret, avec sur fond blanc des éléments graphiques comme des traits horizontaux ou des barres qui font ressortir la police sobre et nette du nom du médicament, souvent à consonance latine. Sans oublier les notices médicales dans les emballages, que la pharmacie humoristique parodie gaiment. L’identité visuelle en tant que médicament va bien au-delà des règles détaillées dans le «Guide complémentaire: Emballage des médicaments à usage humain» de Swissmedic [2].
La médecine humoristique joue tant avec la langue typique, facile à comprendre, qui décrit les substances actives, les indications, les effets, qu’avec les conseils d’utilisation et leur discrète autopromotion. Ainsi, les «gélules d’anniversaire» contiennent la substance active «longue-vie-à-toi». Le médicament «idioticum acutus» est à utiliser «en cas de stupidité persistante» et «agit également sur les idiots finis». Quant à la «pilule bonnes notes», elle «aide les élèves en difficultés d’apprentissage». Le «vaccin à sucer» (trois sucettes) est censé «immuniser contre les crises» en «application buccale». En revanche, la «pilule anti-crise pour adolescents» se distingue par la critique suivante: «Ne sert en fait à rien, mais fait du bien.»

Finalement, la pharmacie humoristique va jusqu’à défier les inflexibles classifications des maladies à la CIM.

En fin de compte, la pharmacie humoristique va jusqu’à défier les inflexibles classifications des maladies à la CIM. Derrière les appellations «combo contre le stress des examens», les comprimés «retraite forcée» (pour les bourreaux de travail), les «dragées pour avoir la peau dure», les pilules «antivieillissement» ou agissant contre «le chagrin d’amour», «la fièvre ménagère», «le mal du pays» ou encore «les palpitations», se cache une palette de troubles endurés par les patients, pertinents dans la pratique quotidienne de la médecine de famille. La médecine humoristique jongle de manière ludique avec les frontières salutogéniques entre maladie et désagrément, santé, bien-être et bonheur.
La pharmacie humoristique reflète l’ironie de la «vraie» médecine. C’est pourquoi on devrait la prendre au sérieux. Les médicaments humoristiques ont, d’ailleurs, récemment fait l’objet d’un test pointu sur le prix, l’écologie et les allergènes [3]. Pour la plupart, le critère de «vraisemblance» a été jugé satisfaisant. La teneur humoristique, quant à elle, n’a pas été testée.

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