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Santé et environnement: un but commun

Actualités
Édition
2024/09
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2024.1317710356
Bull Med Suisses. 2024;105(09):

Publié le 28.02.2024

Prévention
Des gestes pour prendre soin de sa santé et celle de la planète. Voici ce que propose la campagne «12 mois ‒ 12 actions» initiée le 31 janvier dernier par des médecins genevois et des étudiants en médecine. Le but: sensibiliser aux effets du système de santé sur l’environnement et, par répercussion, aux conséquences sur la santé.
Santé et environnement sont interdépendants: tel est le message de la nouvelle campagne de sensibilisation lancée par des médecins genevois.
Dotlock / Dreamstime
«En tant que médecins, nous nous posons des questions sur la manière de pratiquer une médecine moins polluante et qui s’attache plus à la santé qu’aux soins», explique la Prof. Dre méd. Johanna Sommer, responsable du cursus de santé planétaire à la Faculté de médecine de l’Université de Genève et co-initiatrice de cette campagne.
La pollution globale, le réchauffement climatique ou encore l’effondrement de la biodiversité ont des conséquences réelles sur la santé humaine. L’Organisation mondiale de la santé parle de la crise environnementale comme de la plus grande menace sur la santé du XXIe siècle, entraînant son lot de conséquences sanitaires, telles que des maladies cardiovasculaires, des cancers, des troubles psychiques ou de l’insécurité alimentaire [1]. Paradoxalement, le système de soins censé améliorer la santé représente lui aussi un danger pour l’environnement en étant à l’origine de 6,7% des émissions de gaz carbonique en Suisse, soit l’un des taux les plus élevés au monde [2].
Ces deux constats alarmants ont motivé un groupe de médecins genevois de premier recours et d’étudiantes et étudiants en médecine de l’Université de Genève à lancer une campagne de sensibilisation sur les liens entre santé et environnement. Le projet entend donner aux médecins des outils pour informer leurs patientes et patients sur la base de données scientifiquement prouvées. «Notre campagne propose des mesures de prévention pour préserver la santé, avant que la maladie et les traitements n’interviennent», souligne la Prof. Sommer.

«Nous avons souhaité des messages incitatifs et non pas contraignants sur ce qui est à la portée de chacune et chacun», relève la Prof. Dre méd. Johanna Sommer.

La double responsabilité des médecins

La campagne doit durer une année au rythme d’un message par mois à afficher dans les cabinets. Les visuels mensuels, disponibles dans la Revue Médicale Suisse ou en téléchargement sur son site, abordent le contact avec la nature, la mobilité douce, les prescriptions d’antibiotiques, la consommation de viande ou encore la diminution d’examens complémentaires.
Le projet vise les médecins à la fois en tant que public cible et multiplicateurs du message. «De plus en plus de médecins sont sensibilisés aux aspects environnementaux mais nous nous sentons parfois impuissants. Nous voulons d’une part encourager nos collègues à pratiquer une médecine plus sobre qui évite les excès et, d’autre part, leur donner des arguments scientifiques pour expliquer les bénéfices de ces actions à leurs patientes et patients», relève la Prof. Sommer.
Un double objectif, donc, pour des messages parfois déjà connus mais pas toujours faciles à appliquer. «Stop à la viande!», «Interdiction de prendre l’avion!», des énièmes injonctions moralisatrices qui placent toute la responsabilité sur l’individu? «Surtout pas!», répond la Prof. Sommer. «Nous ne voulons ni culpabiliser ni tomber dans le catastrophisme. Nous avons souhaité des messages incitatifs et non pas contraignants sur ce qui est à la portée de chacune et chacun. Mais nous assumons aussi totalement le fait que certains de ces messages sont plus politiques et impliquent des décisions à un niveau sociétal. En tant que médecins, c’est un peu notre rôle de lanceurs d’alerte.»

De la médecine à la santé publique

Initialement conçue à Genève, la campagne fait des émules. Elle est en cours de traduction par l’association Kinderärzte Schweiz et a également attiré l’attention du Service du médecin cantonal tessinois, qui évalue actuellement la possibilité de l’intégrer à des projets de prévention existants.
Car il est là l’ingrédient de ce projet qui l’emmène au-delà de la pratique médicale en cabinet. Des messages comportementaux qui s’adressent à la population pour donner un pouvoir d’agir en matière de santé, mais aussi réduire l’empreinte carbone d’un système de santé qui pollue? Ce qui a commencé comme un vœu pieux de quelques médecins qui cherchaient à se réconcilier avec leur conscience écologique pourrait bien devenir un véritable enjeu de santé publique.
«Pourquoi la Suède fournit-elle des soins de même qualité que la Suisse en polluant deux à trois fois moins?», interroge la Dre méd. Martine Bideau, coprésidente de la Société genevoise de pédiatrie et co-initiatrice de la campagne. «Parce que son système de santé est basé sur la prévention et la promotion de la santé. Il prescrit moins de médicaments et d’examens complémentaires, qui en sont les deux facteurs les plus polluants. Cette information a été l’élément déclencheur de notre prise de conscience.» [3]
1 Stanway D. Climate time bomb ticking, emissions must urgently be cut, UN chief says. Reuters, 2023. Disponible sur : www.reuters.com/business/environment/un-chief-urges-faster-shift-net-zero-after-report-highlights-climate-threat-2023-03-20/
2 Lenzen M, Malik A, Li M, et al. The environmental footprint of health care: a global assessment. Lancet Planet Health 2020 Jul; 4(7): e271-9.
Health Care Without Harm. Health care climate footprint report. 2023. Disponible sur : www.noharm-global.org/climatefootprintreport
3 Andrieu et al. The exponential relationship between healthcare systems’ resource footprints and their access and quality: a study of 49 regions between 1995 and 2015. The lancet preprint August 2022.

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