La recherche au service du système de santé

Organisationen
Édition
2023/05
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2023.21142
Bull Med Suisses. 2023;103(05):44-45

Affiliations
Secrétariat «smarter medicine – Choosing Wisely Switzerland»

Publié le 01.02.2023

smarter medicine Le système de santé suisse a subi de profonds changements. Pour faire face à ces changements, il ne suffit pas de prendre des mesures d’atténuation. Nicolas Rodondi et Lars Clarfeld, président et directeur général de «smarter medicine», expliquent dans l’interview pourquoi des recherches supplémentaires sont également nécessaires.
Le Conseil fédéral souligne que la Suisse possède l’un des meilleurs systèmes de santé au monde, mais aussi l’un des plus chers. Y a-t-il vraiment une surmédicalisation en Suisse ?
Nicolas Rodondi: Des études menées dans différents domaines montrent qu’en Suisse aussi, certains traitements et examens n’apportent aucune valeur ajoutée aux patientes et patients. Or, dans certaines situations, il existe déjà une pénurie de soins. Cela signifie que tous les services médicaux utiles ne sont pas disponibles pour les patientes et patients. C’est pourquoi la notion de «soins inappropriés» convient mieux pour décrire la situation qui prévaut en Suisse. Elle implique aussi bien une surmédicalisation qu’un déficit de soins. Une règlementation trop rigide, comme celle que le Conseil fédéral propose avec le train de mesures visant à endiguer la hausse des coûts dans le système de santé, ne tient clairement pas compte de cette situation contradictoire..
Doctor explaining medical diagnosis to patients
L’objectif premier de «smarter medicine - Choosing Wisely Switzerland» est d’améliorer la qualité des soins médicaux prodigués aux patients.
© Nyul / Dreamstime
Que dit «smarter medicine» des du Conseil fédéral ?
Lars Clarfeld: L’association d’utilité publique «smarter medicine – Choosing Wisely Switzerland» a pour objectif principal d’améliorer la qualité des soins médicaux dispensés aux patientes et patients en réduisant les examens et traitements inutiles, voire négatifs. L’association rejette les mesures visant à réduire les coûts qui diminuent la qualité des traitements en Suisse.
Nicolas Rodondi: Il existe des mesures qui améliorent la qualité et qui, accessoirement, réduisent les coûts, comme en témoigne la recherche. Malheureusement, les études sur l’ampleur de la surmédicalisation et du déficit de soins en Suisse sont bien minces. Dans ce contexte, il serait important que la Confédération alloue des fonds adéquats à la recherche afin d’évaluer et d’éviter la surmédicalisation. Sur la base de ces informations, il serait ensuite possible de prendre des mesures judicieuses et ciblées, qui seraient certainement plus efficaces que la formulation de limites des coûts.
Quel est le potentiel de prévention des soins inappropriés en Suisse?
Nicolas Rodondi: Honnêtement, nous ne le savons pas exactement. Dans ce domaine, les recherches supplémentaires que nous avons évoquées s’imposent. Les données de la Suisse reposent dans une large mesure sur des estimations et sont parfois assez anciennes. À l’étranger, en particulier aux États-Unis, on estime qu’il s’agit de 20% des dépenses de santé, mais les systèmes de santé des deux pays ne sont pas directement comparables. Nous devons être conscients que les soins inappropriés s’expliquent par de nombreuses raisons et que l’augmentation du coût des soins de la santé est aussi souvent liée à une augmentation de la complexité administrative!
Lars Clarfeld: Par exemple, de nombreux examens sont effectués deux fois en raison de l’absence de transmission des dossiers entre les secteurs. Il n’est pas possible d’y remédier en imposant des limites de coûts, mais il faut systématiquement optimiser et numériser les voies de communication. Un autre problème est le manque de temps dans la pratique: Il est souvent plus difficile pour les médecins d’expliquer pourquoi un examen ou un traitement est inutile que d’effectuer l’examen ou le traitement requis. À cela s’ajoute le fait que la «médecine de discussion» n’est pas suffisamment rémunérée.
Vous estimez donc que la responsabilité principale n’incombe pas aux professionnels de la santé?
Lars Clarfeld: Il y a de nombreuses années déjà, l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) demandait aux professionnels de la santé de s’attaquer à la surmédicalisation et au déficit de soins en Suisse en suivant les quatre axes suivants: Reconnaître les limites, fixer des objectifs et contrôler les résultats, garantir l’accès, définir des critères et agir avec prudence [1]. Le débat sur les coûts de la santé ne devrait pas être laissé aux seuls politiciens ou assureurs. Le problème doit également être abordé selon l’approche «bottom-up».
Que peut faire le corps médical dès aujourd’hui pour éviter les soins excessifs et inappropriés ?
Lars Clarfeld: Pour lutter contre les soins excessifs et inappropriés, il faut agir à différents niveaux : Sensibiliser le public, responsabiliser les professionnels de la santé, encourager la recherche et impliquer les patientes et patients («shared decision making»).
Sur des listes dites «Top 5», 20 spécialités médicales et professions de santé émettent des recommandations sur les traitements ou examens en principe inutiles. Vingt autres listes sont actuellement en cours d’élaboration. Celles-ci peuvent être utilisées concrètement dans le traitement quotidien et plus particulièrement dans l’entretien avec la patiente ou le patient. L’échange pour la promotion de la qualité entre les professionnels de la santé est également important. Les membres du groupe de travail «smarter hospitals» discutent régulièrement de la manière de réduire encore les «low value care» à l’hôpital et de développer la recherche sur ce champ thématique. Un autre élément important est la sensibilisation précoce des étudiants en médecine ainsi que des jeunes médecins dans le cadre de leur formation initiale et continue sur ce thème.
Toutes ces mesures poursuivent le même objectif: nous visons globalement un changement culturel qui évalue la valeur ajoutée qualitative de certains actes médicaux et oriente les soins de santé vers le bien-être des patientes et patients.

À propos de «smarter medicine»

L’association d’utilité publique «smarter medicine – Choosing Wisely Switzerland» combat les traitements médicaux excessifs ou inappropriés.
Pour de plus amples informations sur «smarter medicine – Choosing Wisely Switzerland», veuillez consulter le site www.smartermedicine.ch
Prof. Dr. med. Nicolas Rodondi
est président de «smarter medicine», directeur et professeur de l’Université de Berne et médecin-chef de la policlinique de l’Inselspital de Berne.
Dr. med. Lars Clarfeld
est directeur général de «smarter medicine – Choosing Wisely Switzerland» et secrétaire général de la Société suisse de médecine interne générale (SSMIG).

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