La Société suisse d’hématologie publie sa liste Top 5

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Édition
2023/48
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2023.1309566601
Bull Med Suisses. 2023;104(48):

Publié le 07.12.2023

smarter medicine
En collaboration avec l’organisation d’utilité publique smarter medicine, la Société suisse d’hématologie (SSH) publie une liste Top 5. Son but: aider à réduire les examens et traitements médicaux excessifs et inappropriés.
«Pas d’anticoagulation pendant plus de trois mois en cas de première thromboembolie veineuse (TEV), si celle-ci survient dans le cadre d’un facteur de risque transitoire majeur» ou «Pas de bilan de thrombophilie chez les adultes présentant une thromboembolie veineuse (TEV) liée à des facteurs de risque transitoires majeurs (chirurgie, traumatisme ou immobilisation prolongée)»: voilà deux des cinq recommandations publiées par la Société suisse d’hématologie (SSH) en collaboration avec l’organisation d’utilité publique smarter medicine. Ces listes appelées listes Top 5 doivent contribuer à réduire la surmédicalisation ainsi que les examens et traitements médicaux inappropriés dans le système de santé suisse.
Les listes Top 5 doivent contribuer à réduire la surmédicalisation ainsi que les traitements médicaux inappropriés dans le système de santé.
© Mohamad Faizal Ramli / Dreamstime
Les cinq recommandations de la SSH en un coup d’œil:

1. Ne pas transfuser inutilement des concentrés érythrocytaires pour atténuer les symptômes d’anémie ou pour augmenter l’hémoglobine dans une zone sûre (70-80 g/l chez les patients stables et non cardiaques).

Arguments:
Une stratégie de transfusion libérale n’améliore pas les résultats cliniques. De plus, les transfusions inutiles entraînent des coûts et exposent les patients à des effets secondaires potentiels. Les médecins sont donc instamment priés de transfuser une unité de globules rouges et d’en vérifier l’effet avant d’en prescrire une autre (ne pas administrer systématiquement deux unités de globules rouges lorsqu’une seule suffit) et chez les enfants d’utiliser un dosage approprié de globules rouges basé sur le poids [1, 2].

2. Pas de bilan de thrombophilie chez les adultes présentant une thromboembolie veineuse (TEV) liée à des facteurs de risque transitoires majeurs (chirurgie, traumatisme ou immobilisation prolongée).

Arguments:
Les tests de thrombophilie sont coûteux et peuvent nuire aux patients si la durée de l’anticoagulation est prolongée de manière inappropriée ou si les patients sont classés à tort comme thrombophiles. Les tests de thrombophilie ne modifient pas la prise en charge des TEV liées à des facteurs de risque transitoires majeurs. Si une TEV survient dans le contexte de facteurs de risque transitoires mineurs, tels qu’une grossesse ou une hormonothérapie, ou en présence d’une forte anamnèse familiale, un bilan de thrombophilie peut être utile. Il est alors recommandé aux patients et aux professionnels de la santé de demander conseil à un expert [3, 4].

3. Pas d’anticoagulation pendant plus de trois mois en cas de première thromboembolie veineuse (TEV), si celle-ci survient dans le cadre d’un facteur de risque transitoire majeur.

Arguments:
L’anticoagulation est potentiellement nocive et coûteuse. Les patients ayant subi une première TEV déclenchée par un facteur de risque transitoire majeur, tel qu’une intervention chirurgicale, un traumatisme ou un cathéter intravasculaire, présentent un faible risque de récidive une fois que le facteur de risque a été écarté et une anticoagulation adéquate a été achevée. Les lignes directrices fondées sur des données probantes et faisant l’objet d’un consensus recommandent une anticoagulation de trois mois plutôt qu’une durée d’anticoagulation plus courte ou plus longue chez les patients atteints de TEV dans le cadre d’un facteur provoqué majeur et réversible. En veillant à ce que le patient reçoive un schéma d’anticoagulation approprié, les médecins peuvent éviter des dommages inutiles, réduire les dépenses de santé et améliorer la qualité de vie. Cette recommandation de Choosing Wisely® ne s’applique pas aux TEV associées à un facteur de risque mineur (par exemple, hormonothérapie ou grossesse) [5–7].

4. Pas de tomodensitométrie (TDM) de routine (a) au moment du diagnostic ou en cours d’évolution en cas de leucémie lymphoïde chronique (LLC) asymptomatique à un stade précoce, et limiter les TDM de contrôle (b) chez les patients asymptomatiques après un traitement d’un lymphome agressif à visée curative.

Arguments:
Concernant le point a): chez les patients atteints de LLC asymptomatique à un stade précoce, les TDM initiaux et de surveillance de routine n’améliorent pas la survie et ne sont pas nécessaires pour évaluer le profil de risque ou le pronostic. Les TDM exposent les patients à de faibles doses de radiation, et peuvent révéler des résultats fortuits qui ne sont pas cliniquement pertinents, mais qui conduisent à des examens complémentaires et sont coûteux. Chez les patients asymptomatiques atteints de LLC à un stade précoce, il est recommandé de procéder à un staging clinique et à une surveillance de l’hémogramme plutôt qu’à des TDM.
Concernant le point b): la surveillance par TDM chez les patients asymptomatiques en rémission d’un lymphome non hodgkinien agressif peut être néfaste en raison d’un risque faible mais cumulatif de malignité radio-induite. L’examen est également coûteux et il n’a pas été démontré qu’il améliore la survie. Les médecins sont encouragés à évaluer soigneusement les bénéfices attendus de la TDM après le traitement par rapport aux dommages potentiels de l’exposition aux radiations. En raison de la diminution de la probabilité de récidive au fil du temps et du manque de bénéfices démontrés, les TDM sont rarement conseillées chez les patients asymptomatiques plus de deux ans après la fin du traitement [8–13].

5. Pas de traitement de routine d’une thrombopénie auto-immune (TPI) en l’absence de saignements et d’un taux de plaquettes supérieur à 20-30 × 109/l.

Arguments:
Le traitement d’une TPI doit viser à stopper les saignements, à prévenir de nouveaux épisodes et à améliorer la qualité de vie. Les traitements inutiles exposent les patients à des effets secondaires potentiellement graves et peuvent s’avérer coûteux et sans bénéfice clinique escompté. La décision de traiter une TPI doit être basée sur les symptômes individuels du patient, le risque de saignement (déterminé par les épisodes de saignement antérieurs et les facteurs de risque de saignement tels que l’utilisation d’anticoagulants, l’âge avancé, des activités à haut risque, etc.), les facteurs sociaux (distance de l’hôpital/opportunités de voyage), les effets secondaires des traitements potentiels, les interventions planifiés, et les préférences du patient. En milieu pédiatrique, un traitement n’est généralement pas indiqué en l’absence de saignements des muqueuses, quel que soit le nombre de plaquettes. Chez les adultes, un traitement peut être indiqué même en l’absence de saignements, si le taux de plaquettes est très bas. Toutefois, un traitement de la TPI est rarement indiqué chez les adultes dont le nombre de plaquettes est supérieur à 20-30 × 109 /l, à moins qu’une opération ou autre intervention invasive est planifiée ou que le patient présente un facteur de risque supplémentaire significatif de saignement. Chez les patients qui se préparent à une opération ou à d’autres interventions invasives, un traitement de courte durée peut être indiqué pour augmenter le taux de plaquettes avant l’intervention prévue et pendant la phase postopératoire immédiate [14, 15].

La Société suisse d’hématologie

La société suisse d’hématologie (SSH) est la société de discipline médicale des médecins spécialistes en hématologie. Celle-ci englobe le diagnostic, le traitement et la prévention des maladies des systèmes hématopoïétiques, lymphatiques et hémostaséologiques.
smartermedicine[at]sgaim.ch
1 Carson JL, Grossman BJ, Kleinman S, Tinmouth AT, Marques MB, Fung MK, Holcomb JB, Illoh O, Kaplan LJ, Katz LM, Rao SV, Roback JD, Shander A, Tobian AA, Weinstein R, Swinton McLaughlin LG, Djulbegovic B; Clinical Transfusion Medicine Committee of the AABB. Red blood cell transfusion: a clinical practice guideline from the AABB. Ann Intern Med. 2012 Jul 3;157(1):49–58.
2 Retter A, Wyncoll D, Pearse R, Carson D, McKechnie S, Stanworth S, Allard S, Thomas D, Walsh T; British Committee for Standards in Hematology. Guidelines on the management of anaemia and red cell transfusion in adult critically ill patients. Br J Haematol. 2013 Feb;160(4):445–64.
3 Chong LY, Fenu E, Stansby G, Hodgkinson S. Management of venous thromboembolic diseases and the role of thrombophilia testing: summary of NICE guidance. BMJ. 2012 Jun 27;344:e3979.
4 Baglin T, Gray E, Greaves M, Hunt BJ, Keeling D, Machin S, Mackie I, Makris M, Nokes T, Perry D, Tait RC, Walker I, Watson H; British Committee for Standards in Hematology. Clinical guidelines for testing for heritable thrombophilia. Br J Haematol. 2010 Apr;149(2):209–20.
5 Kearon C, Akl EA, Comerota AJ, Prandoni P, Bounameaux H, Goldhaber SZ, Nelson ME, Wells PS, Gould MK, Dentali F, Crowther M, Kahn SR; American College of Chest Physicians. Antithrombotic therapy for VTE disease: Antithrombotic Therapy and Prevention of Thrombosis, 9th ed: American College of Chest Physicians Evidence-Based Clinical Practice Guidelines [Erratum appears in Chest. 2012 Dec;142(6):1698–1704]. Chest. 2012 Feb;141(2 Suppl):e419S–94S.
6 Chalmers E, Ganesen V, Liesner R, Maroo S, Nokes T, Saunders D, Williams M; British Committee for Standards in Haematology. Guideline on the investigation, management and prevention of venous thrombosis in children. Br J Haematol. 2011 Jul;154(2):196–207.
7 Monagle P, Chan AK, Goldenberg NA, Ichord RN, Journeycake JM, Nowak-Göttl U, Vesely SK; American College of Chest Physicians. Antithrombotic therapy in neonates and children: Antithrombotic Therapy and Prevention of Thrombosis, 9th ed: American College of Chest Physicians Evidence-Based Clinical Practice Guidelines. Chest. 2012 Feb;141(2 Suppl):e737S–801S.
8 Oscier D, Dearden C, Eren E, Fegan C, Follows G, Hillmen P, Illidge T, Matutes E, Milligan DW, Pettitt A, Schuh A, Wimperis J; British Committee for Standards in Haematology. Guidelines on the diagnosis, investigation and management of chronic lymphocytic leukaemia. Br J Haematol. 2012 Dec;159(5):541–64.
9 Eichhorst B, Hallek M, Dreyling M, Group EGW. Chronic lymphocytic leukaemia: ESMO Clinical Practice Guidelines for diagnosis, treatment and follow-up. Ann Oncol. 2010 May;21 Suppl 5:v162–4.
10 Zelenetz AD, Wierda WG, Abramson JS, Advani RH, Andreadis CB, Bartlett N, Bellam N, Byrd JC, Czuczman MS, Fayad LE, Glenn MJ, Gockerman JP, Gordon LI, Harris NL, Hoppe RT, Horwitz SM, Kelsey CR, Kim YH, Krivacic S, LaCasce AS, Nademanee A, Porcu P, Press O, Pro B, Reddy N, Sokol L, Swinnen L, Tsien C, Vose JM, Yahalom J, Zafar N, Dwyer MA, Naganuma M; National Comprehensive Cancer Network. National Comprehensive Cancer Network (NCCN) Clinical Practice Guidelines in Oncology: non-Hodgkin’s lymphomas: Version 1.2013. Fort Washington (PA): NCCN.2013.
11 Lin TL, Kuo MC, Shih LY, Dunn P, Wang PN, Wu JH, Tang TC, Chang H, Hung YS, Lu SC. Value of surveillance computed tomography in the follow-up of diffuse large B-cell and follicular lymphomas. Ann Hematol. 2012 Nov;91(11):1741–5.
12 Guppy AE, Tebbutt NC, Norman A, Cunningham D. The role of surveillance CT scans in patients with diffuse large B-cell non-Hodgkin’s lymphoma. Leuk Lymphoma. 2003 Jan;44(1):123–5.
13 Shenoy P, Sinha R, Tumeh JW, Lechowicz MJ, Flowers CR. Surveillance computed tomography scans for patients with lymphoma: is the risk worth the benefits? Clin Lymphoma Myeloma Leuk. 2010 Aug;10(4):270–7.
14 Neunert C, Lim W, Crowther M, Cohen A, Solberg L Jr., Crowther MA; American Society of Hematology. The American Society of Hematology 2011 evidence-based practice guideline for immune thrombocytopenia. Blood. 2011 Apr 21;117(16):4190–207.
15 Arnold DM, Cuker A, Kelton JG, Initial treatment of immune thrombocytopenia (ITP) in adults. UpToDate, last updated Jan 24, 2022.

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