Primary and
hospital care
Communauté

Point trop n’en faut

Le mot de la fin
Communauté
Édition
2023/44
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2023.1196534945
Bull Med Suisses. 2023;104(44):66

Publié le 01.11.2023

Sven Streit Prof. Dr méd. Dr phil., médecin de famille, membre de l’Advisory Board du Bulletin des médecins suisses
Un homme de 40 ans s’installe dans la salle d’attente de notre cabinet. C’est son épouse qui l’envoie. À son âge, ce serait bien qu’il prenne soin de sa santé. Certains ont dit qu’il mangeait trop et ne bougeait pas assez. Au don du sang, on lui a indiqué à plusieurs reprises que sa tension artérielle était trop haute. Quelle serait sa réaction si je lui disais qu’il devrait arrêter de manger, bouger toute la journée et prendre un ou deux médicaments pour sa tension artérielle?
Pour autant qu’il se sente en confiance et que nous ayons suffisamment de temps, je préférerais lui poser des questions plutôt que de lui livrer des solutions. Comment va-t-il? Qu’est-ce qui l’amène à consulter, quels sont ses attentes et ses doutes? A-t-il déjà entrepris quelque chose en termes d’activité physique, d’alimentation ou contre sa tension artérielle? Qu’est-ce qui a fonctionné et quelles ont été les éventuelles difficultés? Que serait-il prêt à changer?
Cette situation me rappelle le débat actuel sur notre système de santé, ses coûts et les propositions de solutions. Voici pêle-mêle ce qu’on a pu lire sur le sujet: «Coup de massue des primes», «Facteurs de coûts», «Les médecins facturent (et fournissent?) plus de prestations qu’avant» [1], «Le cartel des coûts à Berne empêche toute réforme» et «Tous éludent le vrai problème et profitent des coûts qui continuent d’augmenter» [2]. Les solutions proposées sont souvent radicales, comme dans le cas de mon patient: modèle d’assurance low cost, réduction des prestations LAMal, abolition de l’assurance obligatoire des soins et «nécessité d’agir de manière beaucoup plus déterminée pour maîtriser les coûts» [3].

Pourquoi renforcer les soins de base ambulatoires? Parce que les coûts restent stables malgré la hausse du nombre de patients.

Mon carnet de prescription personnelle préconise un autre traitement, à savoir valoriser les soins de base, encourager l’interprofessionnalité des partenaires ambulatoires, promouvoir une transformation numérique porteuse d’une réelle plus-value et ouvrir la voie à des décisions politiques courageuses afin d’assurer la sécurité de planification pour la médecine ambulatoire, réduire les obstacles administratifs et permettre la mise en place au niveau communal, cantonal et fédéral d’exigences «intelligentes» ayant un impact durable.
Pourquoi renforcer les soins de base ambulatoires? Parce que même si le nombre de personnes de plus de 65 ans pris en charge augmente, les coûts restent stables au fil des ans [4]. Je constate la même chose dans notre cabinet depuis que nous l’avons repris. En quatre ans, le nombre de patients a augmenté de 34%, avec une rémunération au même tarif et des frais fixes plus élevés, mais sans hausse des coûts par patient. En outre, médecins de famille et pédiatres, pharmaciennes et pharmaciens, services d’aide et de soins à domicile, spécialistes, physiothérapeutes, ergothérapeutes et bien d’autres professionnels de santé s’engagent corps et âme pour une médecine ambulatoire de qualité, centrée sur les patients et financièrement supportable.
De la même manière, j’encourage donc mon patient à se fixer un objectif à atteindre en matière de santé sans surrégulation et lui montre les étapes intermédiaires pour atteindre son but. S’il reprend son sport préféré qu’il pratiquait à l’école, cela lui permettra de retrouver de l’énergie tout en réduisant durablement son poids. Avec un bon suivi, sa tension artérielle sera mesurée avec précision et, si nécessaire, un traitement pourra lui être prescrit. Il m’entend donc lui proposer un objectif à long terme, car être en bonne santé implique de prendre ses responsabilités et de se faire accompagner par des spécialistes en médecine de premier recours travaillant de manière interprofessionnelle.

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