Tox Info Suisse – activités 2020

Intoxications en Suisse

Weitere Organisationen und Institutionen
Édition
2022/1516
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2022.20596
Bull Med Suisses. 2022;103(1516):510-514

Affiliations
a Dre méd., Cheffe de service, Tox Info Suisse, Zurich; b Dre méd., Cheffe de clinique, Tox Info Suisse, Zurich; c Dre méd., Cheffe de clinique, Tox Info Suisse, Zurich

Publié le 12.04.2022

Comme chaque année, Tox Info Suisse, le service de consultation officiel de Suisse pour toutes les questions relatives aux intoxications, a effectué près de 40 000 consultations en 2020. Un aperçu des intoxications et des groupes de personnes concernées.
En 2020, Tox Info Suisse a mené un total de 39 907 consultations, dont 37 234 expositions à des substances toxiques et 2666 demandes de nature théorique. Les 37 234 consultations liées aux expositions à des substances toxiques correspondaient à 33 532 cas d’intoxication (tab. 1), plusieurs consultations pouvant se rapporter à un même cas. 18 434 cas (55%) concernaient des enfants et des jeunes (<16 ans), dont 14 994 (81%) avaient moins de 5 ans. Parmi les intoxications infantiles, on a observé une légère prédominance chez les garçons (51%) par rapport aux filles (48%); le sexe n’est pas connu dans 1% de ces intoxications. Parmi les adultes, les femmes ont été plus touchées (60%) que les hommes (40%). 91% des 27 868 intoxications accidentelles se sont produites dans la sphère privée, 4840 ont eu lieu pour la plupart dans le cadre de tentatives de suicide (66%). Les médicaments (35%) et les produits ­domestiques (26%) étaient les agents en cause les plus fréquents (tab. 1).
Tableau 1: Fréquence des groupes d’agents pour tous les cas d’exposition toxique chez l’être humain (Tox Info Suisse 2020 [2]).
Groupes dagents/groupes dâgeAdultes EnfantsAge non définiTotal
Médicaments 612040,7%553230,0% 711 65934,8%
Produits domestiques303120,2%576431,3%16881126,3%
Plantes7825,2%255313,8%12334710,0%
Articles de toilette et produits cosmétiques 3662,4% 186710,1% 022336,7%
Produits techniques et industriels14829,9% 4082,2% 718975,7%
Aliments et boissons 9506,3%8364,5%1518015,4%
Produits d’agrément, drogues et alcool6324,2%4432,4% 310783,2%
Produits d’agriculture et d‘horticulture3412,3%3111,7% 56572,0%
Champignons 3582,4%2171,2% 55801,7%
Animaux (venimeux)2992,0%1180,6% 14181,2%
Produits à usage vétérinaire780,5%420,2% 01200,4%
Autres agents ou agents inconnus5803,9%3431,9% 8 9312,8%
Total15 019100%18 434100%7933 532100%
Une évaluation de la gravité et de la causalité est effectuée pour les cas accompagnés d’un rapport clinique. Pour ce faire, Tox Info Suisse se base sur le Poisoning ­Severity Score [1] qui repose sur l’évaluation de symptômes et de rapports médicaux selon des critères définis. 4033 cas ont révélé une causalité explicite (assurée ou probable). Parmi ces cas, 922 évolutions asymptomatiques ont été enregistrées, 2153 légères, 729 moyennement graves, 223 graves et 6 fatales (tab. 2). Les intoxications graves chez les enfants sont très rares. En 2020, elles ont touché deux écoliers (nécrose hépatique suite à un surdosage chronique au paracétamol et morsure de serpent indigène) et six adolescents par intoxications intentionnelles. Les adultes frappés par une 
intoxication grave avaient 42 ans en moyenne; ceux qui ont succombé à une intoxication fatale avaient 50 ans en moyenne. Les intoxications graves et fatales se sont typiquement produites par agissements intentionnels (67% de suicides, 14% d’abus). Dans 84% de ces cas, il s’agissait d’une exposition orale et dans 64% d’une poly-intoxication.
Tableau 2: Fréquence et gravité des expositions toxiques chez l’être humain, documentées par les médecins traitants (Tox Info Suisse 2020 [3]) (uniquement degré de causalité élevé), médicaments selon la classification ATC. * Un cas grave de morsure de serpent n’a pas été inclus dans le rapport annuel 2020 [2].
 AdultesEnfantsTotal
Groupe d’agents/gravité OLMGFOLMGF  
Médicaments335103036414042852395460245760,9%
Système nerveux 21585230311919013836501759 
Appareil locomoteur314917503116210152 
Système cardiovasculaire18249413115400106 
Système respiratoire142417302924700118 
Système digestif112076029920084 
Autres466111327537300238 
Produits domestiques38137267093122180044110,9%
Produits d’agrément, drogues, alcool1412512740093314103639,0%
Produits techniques et industriels 30208401208215003248,0%
Plantes1537153118283001203,0%
Champignons 5242920124000761,9%
Articles de toilette et cosmétiques9180001722100671,7%
Animaux (venimeux) 416104*01931048*1,2%
Aliments et boissons (excepté champignons et alcool)415720512100461,1%
Produits d’agriculture et ­d’horticulture41332054000310,8%
Produits à usage vétérinaire3712101000150,4%
Autres agents ou agents inconnus42061048200451,1%
Total4651650628215*6457503101804024*100%
Gravité de l’évolution: O = sans symptôme, L = intoxications légères, M = intoxications moyennes, G = intoxications graves, F = intoxications fatales

Intoxications fatales en Suisse en 2020

Sur six cas mortels, cinq ont été provoqués par des médicaments et un par une plante.
Un effet indésirable de médicaments (EIM) provoqué par du pémétrexed et du carboplatine est survenu chez un patient sous chimiothérapie. Celui-ci a développé une mucosite, une dépression de la mœlle osseuse avec forte anémie, une agranulocytose et une thrombocytopénie. Le pémétrexed est un analogue des folates qui inhibe l’activité de divers enzymes ­essentiels à la biosynthèse des nucléotides cellulaires. Le patient est décédé malgré un traitement antidotique au folinate de calcium.
Au lieu d’un traitement hebdomadaire, un patient âgé a reçu au quotidien 10 mg de méthotrexate par voie orale pendant trois semaines. Il a souffert de maux de gorge et d’une aggravation de son état général. Lors de son hospitalisation, on a observé une dépression de la mœlle osseuse avec neutropénie et thrombocytopénie (8000/µl), une acidose métabolique, un fonctionnement des reins légèrement restreint et une température subfébrile. Le patient a été traité au folinate de calcium, à l’acide folique et au filgrastim, mais est ­décédé quelques jours plus tard.
Un choc cardiogénique s’est produit chez un patient âgé suite à une ingestion suicidaire d’une quantité élevée d’une préparation combinée d’amlodipine et d’énalapril. Malgré une thérapie à l’aide de catécholamines à haute dose, de glucose et d’insuline, d’émulsion lipidique et d’une hémofiltration, le système cardiovasculaire du patient n’a pas pu être stabilisé et celui-ci est décédé après une réanimation infructueuse.
Un jeune patient a été victime d’une tachycardie à complexes QRS larges et d’une décompensation cardiaque suite à l’ingestion d’une quantité importante d’amitriptyline. Il a été réanimé et mis sous oxygénation par membrane extracorporelle veino-artérielle (ECMO). Cependant, il a développé une insuffisance multi-organique et un œdème cérébral. Un autre jeune homme a succombé à un arrêt cardio-circulatoire avec anoxie cérébrale après une ingestion de pentobarbital.
Un jeune patient a ingéré une quantité substantielle d’aiguilles d’if (Taxus baccata). Des troubles graves du rythme cardiaque accompagnés d’une tachycardie à complexes QRS larges et un arrêt cardiaque, provoqués par les taxines cardiotoxiques présents dans les aiguilles de l’if, se sont manifestés suite à l’ingestion. Le patient a été réanimé et mis sous ECMO. Il a développé un œdème cérébral avec compression et lésion hypoxique.

Intoxications graves en Suisse en 2020

Médicaments

Tox Info Suisse a enregistré 148 intoxications graves dues aux médicaments (146 à usage humain, 2 à usage vétérinaire), dont six d’entre elles chez les enfants (1 écolier, 5 jeunes). Les adultes étaient âgés de 43,7 ans en moyenne, dont 66% étaient des femmes. Dans plus de 90% des cas, il s’agissait d’expositions orales. Une poly-intoxication a été détectée dans 76% des cas. 80% de tous les cas étaient liés à des suicides. En revanche, les évolutions graves sont plutôt rares lors d’intoxications accidentelles aux médicaments. A cet égard, il faut souligner trois intoxications chroniques avec lésion hépatique dues au paracétamol et deux intoxications avec coma liées à une confusion de traitements dans des institutions médicales lors d’administration de clozapine. Des comprimés de clozapine de 25 mg, de 100 mg et de 200 mg sont en vente sur le marché. Une dose de plus de 100 mg de clozapine peut déjà provoquer un coma chez une personne âgée de plus de 50 ans.
Parmi les intoxications médicamenteuses graves, 124 cas (84%) liés à des produits pour le système nerveux ont été enregistrés. Les psychotropes (antipsychotiques n = 33, dont la quétiapine n = 19 et les antidépresseurs n = 16) et les benzodiazépines/«Z-Drugs» n = 31 figuraient au premier plan. En fonction de la classe de ces substances, les antidépresseurs présentent un potentiel de risque variable. Alors qu’au moins 14% des cas liés aux antidépresseurs tricycliques (6/42 intoxications par les tricycliques) étaient des cas à évolution grave, dont un cas fatal, seul un peu plus de 3% (5/156 intoxications) d’évolutions graves ont été recensées chez les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS). Parmi les psychotropes, il est intéressant de relever un cas grave au phénibut (forte agitation et coma). Ce principe actif n’est pas autorisé en Suisse; il est consommé de manière abusive à cause de son effet stupéfiant [4]. Parmi les analgésiques, les agents incriminés étaient le paracétamol (n = 14) et les opiacés (n = 13). En outre, 4 intoxications graves ont été provoquées par des produits de substitution aux opiacés (méthadone n = 3, diamorphine (héroïne) n = 1).
Parmi les autres intoxications graves aux médicaments, les produits en cause étaient ceux destinés à l’appareil locomoteur (acide méfénamique n = 2, ibuprofène n = 1, tolpérisone n = 1, tizanidine n = 1, colchicine n = 1), au tract gastro-intestinal (insuline n = 4, dompéridone n = 1, chlorure de potassium n = 1), au système cardiovasculaire (digoxine n = 1, périndopril n = 1, lidocaïne n = 1, ­vérapramil n = 1) et à l’appareil respiratoire (éphédrine n = 1, codéine n = 1, théophylline n = 1). D’autres intoxications graves ont été provoquées par des produits dermatologiques (désinfectants pour les mains à base d’éthanol n = 1), des produits oncologiques (méthotrexate n = 1) et une préparation végétale pour la perte de poids, commandée sur Internet. Pendant la prise de ce produit végétal, une ­hépatopathie cholestatique s’est développée avec récupération suite à l’arrêt de la prise. Une évolution grave liée à des produits à usage vétérinaire est survenue dans deux cas (pimobendane, xylazine). Le pimobendane est un inhibiteur des phosphodiestérases possédant un ­effet vasodilateur puissant, administré chez les chiens dans le traitement d’insuffisances cardiaques. Un infarctus du myocarde (NSTEMI) dans le cadre d’une hypotension prononcée (TA 79/43 mmHg), est survenu chez une patiente suite à la prise de pimobendane liée à une intention suicidaire. La xylazine est un agoniste des récepteurs α2-adrénergiques utilisée comme sédatif chez les animaux. Un patient est tombé dans un coma avec GCS 3 suite à l’administration de xylazine par voie parentérale liée à une intention suicidaire.

Produits d’agrément, drogues et alcool

Les produits d’agrément, les drogues et l’alcool ont provoqué 41 intoxications graves. Les principaux concernés étaient un jeune et 40 adultes (âge moyen 35,8 ans). Dans 63% des cas, il s’agissait d’hommes (n = 26). Dans la grande majorité des cas, les expositions étaient liées à une intention suicidaire (n = 19) ou abusive (n = 16). Dans 71% des cas (n = 29), il s’agissait de poly-intoxications avec d’autres drogues ou des médicaments.
Dans 17 cas parmi les intoxications graves par l’alcool (n = 19), les personnes avaient aussi consommé des médicaments ou d’autres drogues. Le symptôme principalement décrit était un coma, mais d’autres symptômes se sont aussi manifestés: agitation, bradypnée et une chute de la saturation en oxygène à 80%.
Parmi les stimulants et les hallucinogènes (n = 12), des poly-intoxications ont été établies dans six cas. Les substances relevées étaient de l’amphétamine/de la méthamphétamine, de l’ecstasy (MDMA), de la cocaïne, du LSD et de l’ibogaïne. Ont été observés agitation, psychose, coma, hausse du taux de créatinine kinase, état épileptique et hyperthermie. Dans le cas de l’ibogaïne, il s’agit de l’alcaloïde indolique provenant des racines de Tabernanthe iboga (arbuste de l’Afrique centrale). L’ibogaïne est utilisée dans le traitement contre la dépendance aux drogues, non autorisée en Suisse. Suite à son ingestion, l’ibogaïne a provoqué chez un patient une psychose avec intervalle QTc de 509 ms. Plusieurs cas de forte prolongation de l’intervalle QT et de torsades de pointes par l’ibogaïne sont décrits dans la littérature [5].
Parmi les intoxications aux opiacés (n = 4), d’autres substances ont été consommées dans trois cas. L’image typique décrite était un coma et une dépression respiratoire. Dans un cas, ont été observées une rhabdomyolyse avec insuffisance rénale et une sévère perte auditive qui a peu à peu régressé. Des cas similaires sont décrits dans la littérature [6].
Les cas de consommation de GHB (n = 5) ont provoqué coma et agitation. Dans trois cas, on a décrit une consommation parallèle d’autres substances.
Chez un patient qui s’est procuré du Xanax sur le marché noir, ont été observés une agitation et un coma avec GCS 6–7. L’analyse de son urine a révélé la présence de benzodiazé-pines et de cannabis (THC). Le Xanax obtenu illégalement peut contenir de l’alprazolam, ainsi que d’autres dérivés de la benzodiazépine n’étant pas autorisés en Suisse et dé-nommés benzodiazépines de synthèse (www.saferparty.ch).

Plantes

Trois évolutions graves ont été enregistrées parmi les intoxications aux plantes, toutes chez les adultes.
Dans deux cas, il s’agissait d’une ingestion suicidaire d’aiguilles d’if (Taxus baccata) provoquant une hypotension marquée, de graves troubles du rythme cardiaque et une fibrillation ventriculaire nécessitant une réanimation. Dans un cas, le patient a été traité par oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO); dans l’autre cas, une minipompe cardiaque (Impella®) a été implantée. Un patient a intentionnellement pris du kratom en poudre (Mitragyna speciosa) de manière abusive, présentant de l’hypertension, tachycardie, convulsions brèves généralisées et coma avec GCS 3. Les feuilles de la plante sont utilisées comme stupéfiant et les alcaloïdes qu’elles contiennent possèdent un effet à la fois stimulant et apaisant.

Produits domestiques

Les produits domestiques ont été à l’origine de sept intoxications graves chez les adultes.
Suite à une ingestion massive, des dégivrants à base d’éthylène glycol ont provoqué une acidose grave chez quatre personnes: trois patients sont tombés dans le coma et une insuffisance rénale aiguë (créatinine max. 286 µmol/l) s’est manifestée chez l’un d’entre eux. Tous les patients ont été traités au fomépizole et, lors de la thérapie initiale, en partie à l’éthanol. Trois patients ont été traités par hémodialyse et, l’un d’entre eux, par hémodiafiltration veino-veineuse continue (CVVHDF). L’un des patients, dont les circonstances de son intoxication étaient inconnues au début, a présenté une acidose lactique massive de >30 mmol/l. Des valeurs d’acide lactique aussi élevées peuvent indiquer une intoxication par l’éthylène glycol. L’acide glycolique, métabolite de l’éthylène glycol, est détecté avec certaines méthodes de mesure comme lactate, indiquant ainsi des valeurs élevées de lactate erronées. Une divergence entre les valeurs de lactate en fonction de la méthode utilisée en laboratoire peut ainsi indiquer une intoxication par l’éthylène glycol [7], ce qui finalement a été le facteur décisif dans le cas ci-dessus.
De graves brûlures se sont manifestées dans l’œsophage d’une patiente après qu’elle a ingéré une quantité importante d’un détergent alcalin pour fours. Suite à une ingestion de désinfectant à base de 1-propanol liée à une intention abusive, une patiente a présenté des troubles de la conscience et une chute de la saturation en oxygène à 80%.
Un accident professionnel dû à un pistolet à peinture haute pression a provoqué chez l’accidenté un syndrome des loges au niveau d’un doigt nécessitant un traitement chirurgical visant à la décompression de la loge.

Cosmétiques et articles de toilette

Les cosmétiques et les articles de toilette n’ont pas fait l’objet de cas graves en 2020. Seul un cas isolé moyennement grave chez un petit enfant a été enregistré, qui a souffert d’une érosion cornéenne suite à une exposition oculaire à de la mousse à raser.

Aliments et boissons

Les denrées alimentaires et les boissons ont provoqué deux intoxications graves. Des palpitations se sont manifestées chez un jeune patient après l’ingestion de quatre mesurettes d’un complément alimentaire à base de caféine commandé sur Internet; son ECG a indiqué des extrasystoles supraventriculaires et ventriculaires alternant avec une bradycardie allant jusqu’à 42/min. Une patiente âgée s’est présentée avec tétraparésie suite à l’ingestion régulière, durant une année, d’une boisson à base de réglisse. Son hypertension artérielle était de 197/110 mmHg. Les analyses du laboratoire ont révélé une hypokaliémie de 1,6 mmol/l et un taux légèrement élevé de sodium de 146 mmol/l. Suite à l’administration de chlorure de ­potassium par voie intraveineuse, de nitroglycérine et de doxazosine, les taux de potassium et de sodium se sont normalisés et la tétraparésie améliorée. La réglisse contient de l’acide glycyrrhizique possédant un effet minéralocorticoïde. L’ingestion chronique de grandes quantités de réglisse peut entraîner un pseudo-hyperaldostéronisme accompagné d’une hypokaliémie, une hyper­natrémie, une rétention d’eau et une hypertension [8].

Produits techniques et industriels

Les produits techniques et industriels ont été à l’origine de douze intoxications graves.
Un patient a souffert d’ulcères cornéens étendus suite à une exposition oculaire à de l’acide peracétique. Des brûlures graves du tract gastro-intestinal sont apparues chez sept patients. Trois de ces patients ont ingéré de l’eau ammoniacale par accident. Quatre patients ont souffert de brûlures graves suite à une tentative de ­suicide avec de l’acide sulfurique, de l’acide phosphorique, de l’hydroxyde de potassium et de l’hydroxyde de sodium.
Après avoir ingéré une quantité importante d’essence, un patient est tombé dans un coma avec GCS 3; des brûlures étaient présentes dans son tract gastro-intestinal. Un patient a dû être réanimé après une tentative de suicide au chloroforme. Il a été intubé lors d’un coma avec GCS 3 et une pneumonie par aspiration s’est manifestée lors de l’évolution de son état. Un autre patient est tombé dans un coma avec GCS 3 accompagné d’une acidose métabolique grave et une insuffisance rénale aiguë suite à une intoxication combinée après avoir ingéré des quantités incertaines d’éthylène glycol, de détartrant et de déodorant. Le patient a été traité à l’éthanol, au bicarbonate de soude et il a été placé sous hémodialyse. Un patient, longtemps agenouillé dans du béton frais, a souffert de brûlures cutanées au troisième degré. Le béton humide contient du ciment présentant une réaction alcaline.

Produits d’agriculture et d’horticulture

Les produits d’agriculture et d’horticulture ont fait l’objet de deux intoxications graves, dans le cadre d’accidents professionnels provoqués par des gaz de silos. Dans les deux cas, on a observé une toux accompagnée de dyspnée ainsi qu’une insuffisance respiratoire partielle avec chute de saturation et une pression partielle d’oxygène réduite. Le dioxyde de carbone (CO2) et les gaz nitreux (NOx) se forment dans les silos. Les gaz nitreux figurent parmi les gaz irritants. Difficilement solubles et pénétrant les voies respiratoires en profondeur, ils peuvent provoquer un œdème pulmonaire d’origine toxique après un temps de latence de plusieurs heures. En 2020, des gaz de purin ont aussi fait l’objet de deux accidents professionnels; les symptômes moyennement graves observés étaient un coma, une acidose métabolique et des convulsions épileptiques. Les gaz de lisier contiennent de l’hydrogène sulfuré bloquant la respiration cellulaire.

Animaux venimeux

Cinq cas d’intoxication graves liés à des serpents venimeux ont été recensés. Les personnes touchées étaient un écolier et quatre adultes. Dans quatre cas, il s’agissait de morsures de serpents indigènes. Deux personnes ont souffert d’un fort gonflement. Dans les deux autres cas, on a observé un choc anaphylactique. Suite à la morsure d’un serpent à sonnette (Crotalus horridus), cas ne figurant pas encore dans le rapport annuel 2020 [7], un choc hémodynamique et d’autres symptômes graves sont survenus chez un patient qui a été traité à l’aide de 32 ampoules d’antivenin (Antivipmyn TRI, Polyvalent F(ab)2-Ig) [9].

Champignons

Deux intoxications graves par champignons ont été ­enregistrées chez deux adultes. L’un a récolté et mangé des amanites tue-mouches (Amanita muscaria), l’autre des amanites panthère (Amanita pantherina). Les deux cueilleurs, qui n’avaient pas fait contrôler leurs champignons avant de les ingérer, sont tombés dans un coma avec GCS <7. Ces deux sortes de champignons provoquent un syndrome panthérinien pouvant entraîner un coma, des états d’excitation et d’agitation majeurs ainsi que des hallucinations. Aucune intoxication grave par champignons contenant de l’amatoxine n’a été recensée.

Autres toxiques

Après une tentative de suicide, un patient a été retrouvé avec une grave intoxication au monoxyde de carbone, coma avec GCS 3 et taux de COHb de 33%, ­suivis d’une rhabdo-myolyse (CK >16 000 U/l), et en conséquence une insuffisance rénale et une encéphalopathie. Le patient a été traité par oxygénothérapie ­hyperbare.

L’essentiel en bref

• En 2020, Tox Info Suisse a réalisé un total de 39 907 consultations: 93% après des expositions à des substances toxiques, 7% de demandes théoriques.
• 18 434 cas ont concerné des enfants et des jeunes (<16 ans): 81 % étaient âgés de moins de 5 ans.
• Un bon tiers de toutes les intoxications a été causé par des médicaments, au moins un quart par des produits domestiques et un dixième par des plantes (tab. 1).
• 83% des cas d’intoxication étaient accidentels, près de 14% intentionnels.
• Cinq cas mortels sur six étaient liés à des intoxications médicamenteuses, un cas dû à une plante (tab. 2).
• Parmi les cas graves, 66% étaient la cause de médicaments, 18% de produits d’agrément et de drogues et 5% de produits techniques et industriels.
cornelia.reichert[at]toxinfo.ch
1 Persson HE, et al. Clin Toxicol 1998;36:205–13.
3 Tox Info Suisse rapport annuel 2020, annexe (en allemand): www.toxinfo.ch/customer/files/878/2020-Anhang-JB.pdf
4 Jouney EA. Phenibut (β-Phenyl-γ-Aminobutyric Acid): an easily obtainable «dietary sup-plement» with propensities for physical dependence and addiction. Curr Psychiatry Rep. 2019;21(4):23.
5 Litjens RP, Brunt TM. How toxic is ibogaine? Clin Toxicol 2016;54(4):297–302.
6 Lee VR, Kessler BD, Majlesi N. Opioid-associated sensorineural hearing loss associated with evidence of multiple system organ dysfunction after overdose. Clin Toxicol. 2019;57(10):1012–3.
7 Sagar AS, Jimenez CA, Mckelvy BJ. Lactate gap as a tool in identifying ethylene glycol poisoning. BMJ Case Rep. 2018 Mar 9. doi: 10.1136/bcr-2018-224243.
8 Penninkilampi R, Eslick EM, Eslick GD. The association between consistent licorice in-gestion, hypertension and hypokalaemia: a systematic review and meta-analysis. J Hum Hypertens 2017;31(11):699–707.
9 Dorner-Schulmeister S, et al. Rattlesnake bite in Austria: a case report. Clin Toxicol 2021:59(6):581.

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