Efficacité et coûts de la prévention

FMH
Édition
2021/45
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.20276
Bull Med Suisses. 2021;102(45):1475-1477

Affiliations
a Collaboratrice scientifique, division Santé publique et professions de la santé; b Chef de la division Médecine et tarifs ambulatoires; c Membre du Comité central de la FMH, responsable du département Santé publique et professions de la santé; d Cheffe de la division Santé publique et professions de la santé

Publié le 10.11.2021

Les coûts de la santé demeurent depuis des années à un niveau élevé en Suisse. On comprend donc que les acteurs – particulièrement les assurés – s’inquiètent de les voir poursuivre dans cette direction en raison de prestations supplémentaires. 80% des coûts de la santé sont engendrés par les maladies non transmissibles (MNT) [1]. C’est donc ici que la prévention doit intervenir si l’on veut à la fois réduire la charge de morbidité de la population et contenir la hausse des coûts de la santé. La pré­vention n’occasionne d’ailleurs pas de coûts supplémentaires dans le sens d’un élargissement de l’offre, mais se finance directement à partir des bénéfices qu’elle engendre [2].
S’il faut faire preuve de prudence à la lecture des analyses coût-bénéfice – complexes – établies pour calculer la rentabilité des mesures de prévention, différentes études [3, 4] montrent systématiquement un retour sur investissement positif. En Suisse, ce sont environ 2,2% des dépenses de santé qui sont investis chaque année dans la prévention, un chiffre inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE [5]. Chaque franc investi dans le domaine de la prévention du tabagisme produit un retour sur investissement de CHF 28 à 48; pour la consommation d’alcool à risque, ce chiffre atteint CHF 11 à 29 [5]. A cela s’opposent des coûts économiques annuels de près de CHF 8 milliards causés par l’addiction. Le tabagisme occupe clairement la première place avec près de CHF 4 milliards, suivi de la consommation d’alcool avec près de CHF 2,8 milliards [6].
Si les médecins aident leurs patients à maintenir un mode de vie sain, cela peut réduire les coûts des soins de santé.

Mise en pratique: les opportunités…

L’efficacité de la prévention des MNT est donc clairement établie. Le rôle central que les médecins de premier recours jouent dans ce contexte est également ­incontesté [7, 8]. L’Organisation mondiale des médecins généralistes (WONCA) définit la promotion de la santé et la prévention comme la compétence fondamentale d’une médecine générale globale [9]. Les médecins de premier recours ne bénéficient pas seulement d’une confiance élevée, mais sont régulièrement consultés et font souvent figure de premiers interlocuteurs pour les questions de santé.
Le rapport de base sur la stratégie nationale MNT [2] considère par ailleurs que la prévention fait partie intégrante de la médecine de premier recours moderne et que l’action préventive est une tâche d’équipe qui s’intègre sur le plan structurel et procédural dans la médecine de premier recours. Une étude [10] réalisée dans le secteur hospitalier confirme que la collaboration interprofessionnelle dans le domaine des maladies chroniques apporte des résultats positifs à faibles coûts.

...et les défis

Depuis 2018, un soutien est apporté aux projets qui ­encouragent la prévention dans le domaine des soins en Suisse [11]. Au moment de les mettre en œuvre, les médecins sont cependant régulièrement confrontés à des défis similaires: outre une énorme quantité d’informations, d’outils et d’offres sans grande vue d’ensemble, ils doivent faire face à un manque de temps et répondre à la question de la facturation des prestations de prévention [12, 13].

Prévention et activité ­médicale

Outre le diagnostic et le traitement, les mesures de promotion de la santé et de prévention font partie intégrante de la consultation médicale et du conseil spé­cifique et peuvent, à ce titre, être facturées dans le respect des règles de facturation des positions tarifaires concernées.
Dans le secteur ambulatoire, c’est la structure tarifaire à la prestation TARMED qui est utilisée pour la facturation des prestations médicales. Les positions tarifaires définies dans la structure tarifaire fixent le contenu et l’étendue de la facturation.
Lors de son intervention tarifaire dans le TARMED au 1er janvier 2018, le Conseil fédéral a limité la durée de la consultation médicale à 20 minutes par séance. Dans des cas exceptionnels, pour les patients nécessitant plus de soins, il est possible de facturer 30 minutes par séance. De plus, les médecins de premier recours peuvent facturer des consultations spécifiques (positions tarifaires 00.0510, 00.0515 et 00.0516) qui permettent de facturer 30 minutes (ou 60 minutes pour les patients nécessitant plus de soins) par trois mois. La «consultation spécifique par le médecin de premier ­recours», en particulier, permet d’intégrer les aspects de la prévention dans le traitement et la thérapie et de montrer les solutions envisageables.
La prévention dans le sens d’une approche thérapeutique globale peut donc déjà être facturée aujourd’hui, même si c’est de manière limitée (en raison des limitations sur les positions tarifaires). La nouvelle structure tarifaire TARDOC ouvrira de nouvelles possibilités dans ce domaine, étant donné que les limitations pour les consultations spécifiques par le médecin de premier recours ont été relevées à 240 minutes par six mois, ce qui permet de mieux compenser les périodes de pointe en matière de conseil et de les facturer de manière appropriée. Ici aussi, le TARDOC apportera une nette amélioration par rapport à l’actuel TARMED.

www.PEPra.ch

Disponible à partir du 11 novembre 2021!
Le projet de la FMH est soutenu par la fondation Promotion Santé Suisse dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale MNT.

PEPra: soutien pour la mise en place

Le projet PEPra (cf. encadré) regroupe de nombreuses opportunités et s’attelle ainsi à répondre aux défis de la prévention en médecine de premier recours. Son objectif est d’encourager et de soutenir la mise en place de la prévention dans les cabinets médicaux. Pour cela, il met à disposition des informations et outils sur les thèmes de prévention les plus importants qui peuvent être utilisés avant, pendant et après la consultation. Cette offre est complétée par des formations continues modulaires qui sont proposées pour approfondir certains thèmes suivant les besoins.
Comme la tâche de détecter et prendre en charge les «Persons at Risk» [13] incombe aux médecins de premier recours, PEPra souligne particulièrement l’importance de la communication et du conseil, et propose des formations continues dans lesquelles les compétences correspondantes sont enseignées et exercées. De plus, il permet de porter à la connaissance de l’équipe du cabinet les offres régionales spécifiques vers lesquelles les patientes et patients peuvent être ­dirigés.
PEPra s’adresse à l’ensemble de l’équipe du cabinet –médecins comme assistantes médicales et assistants médicaux. Le travail d’équipe est un élément central et transversal de toutes les formations continues. En ­effet, si toute l’équipe du cabinet est impliquée dans la prévention, formée aux techniques d’entretien et dispose d’un accès facilité aux offres spécifiques, cela permet de réduire la charge de travail et donc aussi de ­réduire les coûts sur le long terme.
1 Wieser S, et al. (2014). Les coûts des maladies non transmissibles en Suisse (en allemand, résumé en français). ZHAW, et al. Sur mandat de l’OFSP.
2 Steiger D, Brauchbar M (2016). Prévention dans le domaine des soins: dimensions centrales et études de cas (en allemand, résumé en français). Sur mandat de l’OFSP.
3 Iten R (2009). Kosten und Wirksamkeit ausgewählter Präventionsmassnahmen in der Schweiz. Eine Gesundheitsökonomische Untersuchung. INFRAS. Sur mandat de l’Association des entreprises pharmaceutiques en Suisse (Vips).
 4 Brundhold H (2010). Premiers pas dans l’analyse coûts-bénéfices des mesures de prévention. Spectra Online. https://www.spectra-online.ch/fr/spectra/news/erste-schritte-in-richtung-kosten-nutzen-analyse-von-praeventionsmassnahmen-363-29.html
 5 Fueglister-Dousse S, et al. (2009). Coûts et bénéfices des mesures de prévention de la santé: Tabagisme et consommation excessive d’alcool. Institut de recherches économiques, Université de Neuchâtel. Sur mandat du Fonds de prévention du tabagisme (FPT) et de l’OFSP.
 6 Fischer, B, et al. (2020). Volkswirtschaftliche Kosten von Sucht. ­Polynomics. Sur mandat de l’OFSP.
 7 Neuner-Jehle S, Quinto C, Baumberger C, Thönen N, Weil B, Zosso B. Gesundheitsförderung und Prävention in der Arztpraxis – Chancen und Grenzen. In: Mattig T, editor. Prävention von chronischen, nichtübertragbaren Krankheiten in der Schweiz: Strategien und Beispiele aus der Praxis. Bern: Hogrefe Verlag; 2022. In press.
 8 Cherix ZA (2014). Quelle perception ont les médecins de famille en Suisse de leur rôle dans la prévention et la promotion de la santé? Comprendre les barrières à l’implémentation. Université de Lausanne. http://serval.unil.ch
 9 WONCA EUROPE (2002). La définition européenne de la médecine générale/médecine de famille. En ligne: Definition of General Practice / Family Medicine | WONCA Europe.
10 Liesch R, et al. (2020). Analyse coûts-bénéfices de la collaboration interprofessionnelle. Analyse empirique sur l’exemple de l’hospitalisation en médecine interne et en psychiatrie (en allemand, résumé en français). Bureau Bass, College für Management im ­Gesundheitswesen. Sur mandat de l’OFSP.
11 Prévention dans le domaine des soins – Promotion Santé Suisse (promotionsante.ch).
12 Infodrog (2017). Intervention brève pour les médecins. En ligne: Intervention brève – infodrog.ch
13 Steiger D, Brauchbar M (2018). Analyse Ist-Zustand präventiver Angebote im Sinne der Prävention in der Gesundheitsversorgung (PGV) in der ambulanten Praxis. EvalueScience. Sur mandat de l’OFSP.

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