De quoi parle-t-on exactement lorsque l’on emploie le terme intelligence artificielle (IA)?
Une définition universelle fait encore défaut [1]. Le mathématicien anglais Alan Turing a probablement été le premier à s’intéresser aux machines intelligentes. En 1947 déjà, lors d’un symposium à Manchester, il formulait une question centrale au sujet de l’IA: «Les machines peuvent-elles penser?» John McCarthy, l’un des pères fondateurs de l’IA et à l’initiative de son nom, la définit comme «la science et la technique de la fabrication de machines intelligentes, en particulier de programmes informatiques intelligents» [2]. La définition suivante revient également couramment: «la science des calculs permettant de percevoir, de penser et d’agir» [3]. L’IA n’est donc pas nouvelle.
Pourquoi n’a-t-elle pas déjà révolutionné nos vies il y a un demi-siècle?
Ces dernières années, l’emploi de l’IA a été rendu possible par une amélioration significative des capacités de calcul et du stockage en nuage ainsi que par la disponibilité et l’utilisation d’une grande quantité de données. A titre d’exemple, les connaissances médicales doublaient tous les 50 ans en 1950, tous les 3,5 ans en 2010 et, selon une estimation, tous les 73 jours en 2020 [4]. De plus en plus de données médicales sont générées par la numérisation dans le domaine de la santé; ces données peuvent en principe être intégrées dans le diagnostic et la décision de traitement pour permettre d’améliorer leur qualité. Seule la combinaison d’une capacité de calcul quasi illimitée et de grands ensembles de données multimodales a permis de tester par l’IA des hypothèses relatives aux maladies.
Et qu’est-ce que cela signifie pour nous, médecins?
La littérature scientifique décrit trois niveaux sur lesquels l’IA a un impact en médecine: 1. les médecins, notamment grâce à une interprétation rapide et précise des images; 2. les systèmes de santé, par une amélioration des flux de travail et le potentiel de réduction des erreurs médicales; 3. les patientes et patients, en leur permettant de traiter leurs propres données pour promouvoir leur santé [5]. En outre, par rapport aux êtres humains, les ordinateurs peuvent traiter les informations de manière plus systématique, prendre des décisions de manière plus conséquente et réagir plus rapidement aux changements [6].
Et que veulent les médecins?
L’enquête «Digital Trends Survey 2021» menée par la FMH montre que les médecins saluent les avantages des applications simplifiant les processus et flux de travail administratifs. Ils rejettent en revanche les applications destinées à remplacer la consultation médicale. Le corps médical est convaincu, comme d’ailleurs la population interrogée, que le facteur humain est important pour le succès du traitement et qu’il peut être complété, mais pas remplacé, par l’IA. De leur point de vue, la numérisation devrait permettre aux médecins de consacrer davantage de temps au traitement personnel [7].
Si l’IA pouvait être intégrée avec succès dans les tâches administratives et médicales de routine de la pratique clinique quotidienne, cela permettrait aux médecins de consacrer davantage de temps à des tâches exigeantes et aux contacts personnels avec leurs patientes et patients [8].
Ce qui est certain, c’est que notre métier va changer avec l’IA – reste à savoir à quelle vitesse. Nous devrions participer activement à ce processus. La FMH souhaite préparer ses membres à ce changement. C’est pourquoi une définition des exigences envers les applications médicales de l’IA est en cours. Lors du premier semestre 2022, nous mettrons les recommandations à disposition dans un guide. A la question précédemment posée «Intelligence artificielle FOR FUTURE?», la FMH répond – «OUI, mais avec notre contribution!»
2 McCarthy J. What is Artificial Intelligence. 2007.
http://www-formal.stanford.edu/jmc/
3 Winston P. Artificial Intelligence. Reading, MA: Addison-Wesley; 1992.
https://courses.csail.mit.edu/6.034f/ai3/rest.pdf
4 Densen P. Challenges and Opportunities Facing Medical Education. Trans Am Clin Climatol Assoc. 2011;122:48–58.
5 Topol EJ. High-performance medicine: the convergence of human and artificial intelligence. Nat Med. 2019;25:44–56.
6 Liaw W, Kakadiaris IA. Artificial Intelligence and Family Medicine: Better Together. Fam Med. 2020;52(1):8–10.
8 Rajkomar A, Dean J, Kohane I. Machine Learning in Medicine. The New England Journal of Medicine. 2019;380(14):1347–58.
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